BRUXELLES (Reuters) -Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne ont signé jeudi un pacte de sécurité avec l'Ukraine à l'ouverture d'un sommet de deux jours qui devrait notamment leur permettre de valider les orientations stratégiques et l'organigramme du bloc pour les cinq prochaines années.

A l'occasion de leur première réunion depuis les élections européennes, les dirigeants des Vingt-Sept ont chaleureusement accueilli à Bruxelles le président ukrainien Volodimir Zelensky.

Le pacte signé jeudi exprime l'engagement de l'UE à aider Kyiv dans neuf domaines de la politique de sécurité et de défense, dont les livraisons d'armes, la formation militaire et la coopération dans l'industrie de la défense.

Les Vingt-Sept ont ainsi tenu à réaffirmer leur soutien à l'Ukraine face à l'invasion russe, en dépit de la progression des partis d'extrême droite largement pro-russes lors des élections européennes et de l'incertitude qui plane sur l'issue des élections dans les prochains jours en France et en novembre aux Etats-Unis.

D'après un projet de communiqué final du sommet, les dirigeants européens vont réaffirmer leur volonté de soutenir l'Ukraine aussi longtemps que cela sera nécessaire, soulignant une nouvelle fois que "la Russie ne doit pas l'emporter" et que Kyiv doit récupérer les territoires occupés par Moscou.

Ils doivent aussi demander à l'exécutif européen de travailler sur un projet de prêt de 50 milliards d'euros à l'Ukraine, financé par les bénéfices générés par les actifs de la banque centrale russe gelés par les Occidentaux dans le cadre des sanctions imposées contre la Russie.

Cette guerre a mis en exergue le manque de préparation de l'UE pour faire face à un conflit, alors que Bruxelles peine à livrer rapidement et suffisamment d'armes à Kyiv. Des voix se sont élevées pour demander une plus grande coordination européenne en matière de défense, notamment pour en assurer le financement.

"Nous avons sous-investi dans notre défense et nous devons maintenant rattraper le temps perdu", a déclaré Josep Borrell, le chef de la diplomatie de l'UE, à son arrivée au sommet. "Et nous devons faire un gros effort financier pour augmenter nos capacités de défense. Cela ne sera pas facile."

LIGNE DÉFENSIVE FACE À LA RUSSIE

La Pologne, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie ont appelé mercredi l'UE à financer la fortification d'une ligne défensive le long de la frontière avec la Russie et la Biélorussie, alliée de Moscou, afin de protéger l'UE de quelconques menaces militaires et activités malveillantes russes.

"Nous parlons des frontières extérieures de l'Europe", a déclaré le Premier ministre polonais Donald Tusk à la presse.

"Nous parlons d'une menace pour l'ensemble de l'UE et de l'Occident. Je suis certain qu'aujourd'hui, nos partenaires au sein de l'UE comprennent mieux que jamais qu'une responsabilité européenne commune est indispensable pour notre sécurité", a-t-il ajouté.

Les investissements dans le secteur de la défense sont un des aspects du programme stratégique de l'UE sur lequel les dirigeants européens doivent s'accorder lors du sommet. Le document fixe les priorités des institutions européennes pour une période de cinq ans.

Outre la défense, le projet de programme stratégique, que Reuters a pu consulter, appelle à renforcer la compétitivité de l'UE pour mieux faire face aux pressions économiques de la Chine et des Etats-Unis, mais aussi à préparer le bloc à un élargissement avec les entrées attendues de l'Ukraine, de la Moldavie et des pays des Balkans.

Le document sert traditionnellement de feuille de route à la Commission européenne. Les Vingt-Sept devraient accorder un second mandat à Ursula von der Leyen à la tête de l'exécutif européen.

Les négociations sur les postes-clés de l'UE entre les différentes forces politiques au Parlement européen ont abouti à un accord prévoyant que l'ancien Premier ministre portugais Antonio Costa devienne président du Conseil européen. La Première ministre estonienne Kaja Kallas, une des bêtes noires de Moscou, doit être désignée cheffe de la diplomatie du bloc.

Les trois groupes qui ont scellé cet accord - centre-droit, centre-gauche et libéraux - disposent d'une majorité suffisante au Parlement de Strasbourg pour qu'il soit validé lors du sommet, même s'il fait face aux réticences des chefs des gouvernements italien et hongrois, Giorgia Meloni et Viktor Orban.

(Reportage de Jan Strupczewski et Andrew Gray, avec la contribution de Kate Abnett, Julia Payne et Phil Blenkinsop à Bruxelles, John Irish et Michel Rose à Paris, Thomas Escritt à Berlin; version française Jean Terzian et Tangi Salaün, édité par Blandine Hénault)

par Jan Strupczewski et Andrew Gray