Fort de sa victoire écrasante aux dernières élections législatives, le nouveau Premier ministre nippon Shinzo Abe exerce une pression sans précédent sur sa banque centrale, au point de propulser l’USD au-delà de 90 JPY, tout laissant croire que la tendance n’est pas prête de s’inverser.

Bénéficiant d’une majorité absolue, soit l’obtention de deux tiers des sièges de la Chambre basse grâce au soutien de son allié centriste, Shinzo Abe a entamé son mandat sur les chapeaux de roues. A l’origine d’un nouveau plan budgétaire de 10 300 milliards de yens, le chef du gouvernement n’a eu de cesse de matraquer la banque du Japon (BoJ) à coups de réprimandes. Il somme l’institution de résister à la guerre des devises, menée selon lui par l’Europe et les Etats-Unis, et l’a ainsi convaincu de rehausser son objectif d’inflation à 2% et d’entamer un nouveau programme de rachats d’actifs illimités en 2014.

Et quand Monsieur Abe se tait, il peut toujours compter sur son ministre des Finances Taro Aso pour lui emboîter le pas, alors que ce dernier a ouvertement critiqué l’autorité monétaire pour ne pas avoir assez lutté contre la déflation. Et bien que le trésorier japonais reconnaisse qu’une variation trop forte du yen n’était pas souhaitable, corriger son appréciation excessive constitue pourtant la première des priorités du gouvernement pour remettre l’économie de l’archipel sur de bons rails.

Car le train de la reprise semble en effet emprunter des voies incertaines alors que la Japon, dont l’activité s’appuie sur le commerce extérieur, vient d’annoncer un déficit commercial record. Ceci, combiné au fait que la nouvelle cible d’inflation n’ait été touchée qu’à deux reprises au cours des 20 dernières années, pourrait inciter les autorités à faire davantage dans les mois qui viennent. Des taux d’intérêts négatifs ou la suppression du loyer des réserves excédentaires représentent les pistes les plus crédibles.

Au-delà de ces considérations, d’autres facteurs nous laissent penser que la tendance pourrait se poursuivre jusqu’à 100 JPY à moyen terme.

D’abord, les prochaines élections au Sénat se déroulant en juillet prochain, le gouvernement pourrait être tenté de faire passer un maximum de mesures d‘ici l’été tant que la chambre haute n’a pas de majorité claire. D’autre part, le mandat du gouverneur de la BoJ Aki Shirakawa prendra fin en avril et Shinzo Abe pourra être tenté de le remplacer par un argentier soutenant davantage sa politique. Enfin, la demande de yens de la part des exportateurs nippons diminue, ces derniers étant pour la plupart couverts des variations de change via des contrats à terme jusqu’à fin mars.

Seule la question des prix du pétrole brut inquiète, en particulier les entreprises importatrices d’énergie, alors que la plupart des réacteurs nucléaires sont toujours à l’arrêt suite à la catastrophe de Fukushima. Pourtant le pays reste bel et bien à la merci de pressions déflationnistes au regard des derniers chiffres des prix à la consommation. Et même si le ministre de l’économie Akira Amari a indiqué maladroitement lors d’une conférence de presse qu’un yen trop faible était également mauvais pour l’économie, Yasushi Kimura, président de JX Nippon Oil and Energy, 1er raffineur du Japon en termes de capacité, affirme que 90 JPY est un juste niveau.

De son côté, Kaichi Hamada, conseiller économique spécial du Premier ministre, estime qu’un niveau entre 95 et 100 yens pour un dollar n’aurait « rien d’inquiétant ».

Enfin, Tadehiko Nakao, vice-ministre des Finances, a profité des quelques prises de bénéfices qui ont suivi la dernière réunion de l’autorité monétaire japonaise pour indiquer que le gouvernement suivait de près l’évolution du marché des changes, autrement dit que celui-ci n’avait aucunement l’intention de laisser la devise s’apprécier de nouveau.

Graphiquement, les cours s’envolent depuis plus de deux mois, faisant fi de toutes considérations techniques. Malgré des oscillateurs en surchauffe, la hausse s’est construite à partir d’achats progressifs et prudents, réduisant le risque d’éclatement du mouvement. Les carnets d’ordres des courtiers le confirment en montrant une position globale relativement neutre sur la paire (autant de vendeurs que d’acheteurs). Alors que l’AT manque de pertinence dans un tel contexte, nous profitons de la ligne claire conjointement dessinée par le gouvernement et la banque centrale, une opportunité rare, pour nous engager dans le sens de la tendance. Chaque retracement de plus d’une figure nous donne actuellement l’opportunité de prendre position, avec un objectif de long terme à 100 JPY.