Tokyo (awp/afp) - La Banque du Japon (BoJ) a conservé mardi sa politique monétaire toujours ultra-accommodante, renvoyant ainsi à l'an prochain de nouvelles étapes sur le lent chemin de sa normalisation, car elle attend notamment de voir progresser davantage les salaires.

"Le degré de certitude" d'atteindre à terme l'objectif ultime de la BoJ, à savoir une inflation stable de 2%, "augmente", a déclaré son gouverneur Kazuo Ueda en conférence de presse.

"Mais nous avons besoin de voir davantage de données et d'autres informations avant d'être sûrs" a-t-il aussitôt ajouté, estimant aussi qu'il était "inapproprié de se précipiter" pour changer de cap monétaire.

La BoJ a donc maintenu son taux de court terme négatif (rivé à -0,1% depuis 2016) et a conservé son plafond "référence", c'est-à-dire flexible, de 1% pour les rendements des obligations publiques japonaises à dix ans.

Le yen faiblissait nettement face au dollar et à l'euro après ce statu quo, même si celui-ci avait été largement anticipé : le dollar valait 144,19 yens vers 08H00 GMT, contre environ 142,70 yens juste avant les annonces de la BoJ. Le dollar s'appréciait même d'environ 1% face au yen comparé à lundi 21H00 GMT.

Et comme le repli du yen est favorable aux groupes japonais exportateurs, la Bourse de Tokyo a grimpé et clôturé en nette hausse (Nikkei: +1,41%).

Une BoJ moins sous pression

La Banque centrale japonaise semble moins sous pression qu'il y a encore quelques semaines pour resserrer rapidement sa politique monétaire.

Car la chute du yen face au dollar, qui devenait préoccupante, a connu un répit depuis mi-novembre, et les rendements obligataires nippons à dix ans sont en décrue après avoir frôlé 1% entre fin octobre et tout début novembre, un nouveau plus haut depuis 2013.

L'inflation et la croissance économique continuent de ralentir aux Etats-Unis, confortant l'idée que la Réserve fédérale américaine (Fed) est arrivée à la fin de son cycle de resserrement monétaire. Cette perspective a fait nettement reculer les rendements obligataires américains ces dernières semaines.

Or, l'écart grandissant entre les politiques monétaires américaine et japonaise était le principal facteur du plongeon du yen face au dollar depuis l'an dernier et de la poussée des rendements obligataires nippons.

L'inflation au Japon reste au-delà de la cible de 2% hors produits frais de la BoJ (2,9% en octobre), mais les économistes s'attendent à ce qu'elle ralentisse à partir de novembre, dont les chiffres seront connus vendredi.

Presque inexistante dans le pays depuis les années 1990, l'inflation y a refait surface avec la flambée des prix mondiaux de l'énergie en 2022 après le déclenchement de la guerre en Ukraine.

Même si l'inflation japonaise résiste plus longtemps qu'initialement prévu, la BoJ continue de penser qu'elle n'est pas réellement durable pour l'heure, faute d'être accompagnée par une croissance suffisamment robuste de l'économie et des salaires.

Rendez-vous au printemps?

"Nous devons encore vérifier si un cercle vertueux entre les salaires et les prix peut être atteint", a insisté mardi M. Ueda.

Ainsi beaucoup d'économistes pensent que la BoJ va attendre les résultats des traditionnelles négociations salariales de printemps ("shunto") au Japon pour lancer la normalisation de sa politique monétaire en avril prochain, en renonçant alors à son taux négatif de court terme.

Mais ce processus pourrait être encore repoussé si la croissance des salaires s'avérait "décevante" et si la consommation des ménages nippons restait faible au premier trimestre, a récemment prévenu Masamichi Adachi de la banque suisse UBS.

Un examen approfondi de la politique monétaire japonaise sur les 25 dernières années, que la BoJ a elle-même lancé en avril dernier, devrait par ailleurs être achevé mi-2024.

Cependant "nous doutons que la (BoJ) se précipite pour abandonner son assouplissement quantitatif" - c'est-à-dire sa politique de rachats massifs d'actifs comme les obligations publiques japonaises - dès la fin de cette revue stratégique, a déclaré Shigeto Nagai dans une note d'Oxford Economics publiée mardi.

Car la fin de l'assouplissement quantitatif de la BoJ, en particulier son contrôle des rendements obligataires nippons, "sera un processus délicat qui nécessitera de nombreuses années (...) et une collaboration du gouvernement", pour éviter de créer des chocs pour l'économie japonaise et le système financier du pays, a encore souligné M. Nagai.

afp/jh