La fièvre des élections européennes est presque aussi forte que celle du tournoi de football Euro 2024. Le premier tour de scrutin en France, ce week-end, promet de faire bouger les marchés, quel qu'en soit le résultat, tandis que la Grande-Bretagne pourrait connaître son premier gouvernement de centre gauche en 14 ans.

La France et l'Angleterre, toutes deux favorites, ainsi que l'Allemagne, pays organisateur, entrent en lice pour les huitièmes de finale de l'Euro. Mais l'excitation ne se limite pas au terrain de football ou aux isoloirs. La semaine à venir sera également marquée par les données préférées du marché : les chiffres mensuels de l'emploi aux États-Unis.

Lewis Krauskopf à New York, Rae Wee à Singapour, Yoruk Bahceli à Amsterdam et Andres Gonzalez et Naomi Rovnick à Londres vous donnent un aperçu de ce qui attend les marchés au cours de la semaine à venir.

1/JOURNAL OFFICIEL

Les investisseurs qui évaluent le moment où la Réserve fédérale pourrait commencer à réduire les taux d'intérêt obtiendront une donnée économique critique avec le rapport mensuel sur l'emploi américain publié le 5 juillet.

Les économistes prévoient une augmentation de 180 000 emplois pour le mois de juin. En mai, le nombre d'emplois non agricoles a augmenté de 272 000, soit beaucoup plus que prévu, ce qui souligne la résistance du marché du travail.

La Réserve fédérale a maintenu ses taux d'intérêt ce mois-ci et a repoussé le début des réductions de taux à décembre peut-être, car les responsables recherchent des signes plus convaincants que l'inflation ralentit pour atteindre l'objectif de la banque centrale, ou des preuves que le marché de l'emploi se détériore.

Le dernier rapport sur l'indice des prix à la consommation a montré que les prix à la consommation aux États-Unis sont restés inchangés en mai, contre toute attente.

2/VOTE FRANÇAIS

La France se rend aux urnes dimanche, pour le premier tour de son élection surprise qui a secoué les marchés.

Les investisseurs seront à l'affût de tout indice sur les résultats du second tour, le 7 juillet, mais une course dans 577 circonscriptions où les candidats n'ont besoin que de 12,5 % des voix pour accéder au second tour, avec également des courses à trois, signifie que l'incertitude peut prévaloir.

Les craintes des marchés concernant une augmentation des dépenses se sont stabilisées, aidées par les signaux du Rassemblement national (RN) d'extrême droite de Marine Le Pen, en tête des sondages, qui a indiqué qu'il serait responsable sur le plan budgétaire.

Pourtant, la reprise est loin d'être au rendez-vous. La prime de risque, très surveillée, que les obligations françaises paient par rapport à celles de l'Allemagne est toujours supérieure de plus de 25 points de base à ce qu'elle était avant l'annonce de l'élection. Les valeurs bancaires françaises affichent des pertes à deux chiffres.

Une autre source d'inquiétude pour les marchés a été l'alliance de gauche qui est arrivée en deuxième position dans les sondages et que beaucoup considèrent désormais comme une menace plus importante que le RN.

3/A M&A BAG MIXTE

Les volumes mondiaux de fusions et acquisitions au premier semestre 2024 ont connu une hausse de 20 % par rapport à 2023, et les transactions supérieures à 5 milliards de dollars ont bondi de 53 %, selon les données fournies par Dealogic.

Mais pour certains négociateurs, le verre n'est qu'à moitié plein.

Malgré la reprise, le volume des transactions au 24 juin reste inférieur de 15 % à la moyenne de la dernière décennie, ce qui s'explique en grande partie par le deuxième trimestre le plus lent dans la région Asie-Pacifique depuis 2009.

Le nombre de transactions annoncées au deuxième trimestre 2024 est le plus bas des 16 dernières années, pire encore qu'au deuxième trimestre 2020, lorsque la directive COVID-19 avait imposé une pause mondiale dans l'activité de fusion et d'acquisition.

Le reste de l'année s'annonce sombre, les élections à venir en France, au Royaume-Uni et surtout aux États-Unis amenant les conseils d'administration des entreprises et les fonds de capital-investissement à reconsidérer leurs décisions.

Certains banquiers d'affaires se demandent s'ils ne devraient pas plutôt se concentrer sur 2025, une année qu'ils espèrent enfin fructueuse.

4/LE BLUES BRITANNIQUE

Les sondages prévoient une victoire écrasante du parti travailliste le 4 juillet, ce qui a stimulé les actions et les obligations d'État britanniques, tandis que la livre sterling, pondérée en fonction des échanges commerciaux, a rebondi à des niveaux jamais atteints depuis le vote sur le Brexit en 2016.

Les traders y voient un retour à la stabilité après les fortes turbulences politiques qui ont marqué les 14 années de règne des conservateurs, et ont émis l'hypothèse que le leader travailliste Keir Starmer rétablirait les liens commerciaux avec l'Europe.

Mais la Grande-Bretagne a de vastes défis fiscaux que ni les travaillistes ni les conservateurs n'ont clarifié comment ils allaient les résoudre, a déclaré le groupe de réflexion Institute for Fiscal Studies.

La croissance économique est faible, le ratio dette publique/PIB a atteint son plus haut niveau depuis 63 ans et la part de la fiscalité dans le revenu national est proche de son plus haut niveau depuis 1949.

Si les électeurs attendent de meilleurs services publics sans augmentation d'impôts et que les investisseurs souhaitent que les emprunts publics se stabilisent, M. Starmer pourrait avoir du mal à garder les deux groupes de parties prenantes de son côté.

5/STAND-OFF

Les chiffres de l'inflation dans les pays émergents d'Asie sont dispersés dans le calendrier des données, bien que les prix à la consommation semblent se stabiliser dans la plupart des économies, ce qui soulève la question de savoir combien de temps encore les décideurs politiques devront maintenir les taux à un niveau plus élevé.

Pourtant, ils ont les mains liées, car la Réserve fédérale qui traîne les pieds et le dollar qui s'envole ne laissent que peu ou pas de place à une baisse imminente des taux en Asie.

C'est cela ou courir le risque de voir leurs monnaies s'effondrer encore plus.

En Thaïlande, cette dissonance a déclenché une querelle de plusieurs mois entre la banque centrale et le gouvernement.

Ce dernier insiste sur le fait qu'une baisse urgente des taux permettrait de relancer la deuxième économie d'Asie du Sud-Est, tandis que la Banque de Thaïlande (BOT) a déclaré que les taux restaient appropriés.

Le gouverneur de la BOT, Sethaput Suthiwartnarueput, s'adressera aux médias jeudi et réitérera probablement la position de la banque centrale.