(Actualisé avec déclarations, précisions)

par Pierre-Henri Allain

RENNES, 11 avril (Reuters) - Maurice Agnelet a été condamné vendredi par la cour d'assisses d'Ille-et-Vilaine à vingt ans de réclusion criminelle pour l'assassinat d'Agnès le Roux, une riche héritière d'un casino niçois qui a mystérieusement disparu en 1977.

Ex-avocat niçois, Maurice Agnelet, 76 ans, accusé cette semaine par un de ses fils d'avoir tué Agnès Le Roux, était jugé pour la troisième fois pour un crime sans cadavre ni scène de crime, le corps de la victime n'ayant jamais été retrouvé.

Après l'énoncé du verdict, son avocat, Me François Saint-Pierre, qui avait plaidé l'acquittement sur la foi d'un "doute substantiel", a évoqué une "déception cruelle" et indiqué qu'il allait étudier ce week-end avec son client la possibilité d'un pourvoi en cassation.

Avant que la cour, dont le verdict est conforme aux réquisitions de l'avocat général, ne se retire pour délibérer, l'accusé, qui s'est toujours dit innocent du meurtre de son ex-maîtresse, a demandé pardon à la famille de la victime.

"Je voudrais demander pardon à la famille Le Roux pour le mal que j'ai pu leur faire par mes attitudes, par mes propos, depuis la disparition d'Agnès, la disparition incroyable et dramatique", a t-il déclaré.

Maurice Agnelet a également exprimé ses regrets vis-à-vis de ses enfants et de leur mère.

"Je me suis rendu-compte que j'avais gâché leur vie et celle de leur mère. J'étais obnubilé par cette disparition d'Agnès et j'y ai consacré trop de temps".

Dans son réquisitoire, jeudi, le magistrat avait stigmatisé "un homme qui est resté prisonnier de ses mensonges et de ses contradictions, emmuré dans son déni en dépit des preuves qui se sont accumulées".

Selon l'avocat général, Agnès Le Roux, alors âgée de 29 ans, n'était qu'un "instrument de sa réussite", dont il s'est débarassé lorsque celle-ci est devenue "un fardeau".

MOBILE PRESUME

Au centre de l'accusation, le magistrat a mis en avant le mobile présumé : une somme de 3 millions de francs récoltée par Agnès Le Roux lors de la vente de ses actions du casino familial à Jean-Dominique Fratoni, un concurrent, sur fond de guerre des casinos niçois.

Cette somme, qui représente aujourd'hui 3,2 millions d'euros et est toujours bloquée sur un compte en Suisse, sera d'abord déposée sur un compte joint avant que Maurice Agnelet ne la transfère sur un compte personnel.

L'avocat général a également écarté l'hypothèse d'un crime commis par la pègre, Jean-Dominique Fratoni, dont la réputation est restée sulfureuse, n'ayant selon lui aucun intérêt à la disparition d'Agnès Le Roux.

Me François de Saint-Pierre avait quant à lui insisté sur les zones d'ombres qui planent sur cette affaire et sur "un doute substantiel" qui aurait dû selon lui prévaloir dans la décision des jurés.

"L'accusation n'est étayée par aucun élément objectif de preuve mais seulement par le témoignage de Guillaume Agnelet", a t-il déclaré jeudi, résumant cette affaire à une somme d'hypothèses sans preuves établies.

ACCUSATIONS

Guillaume Agnelet, un des fils de Maurice Agnelet, et sa première épouse Annie Litas, qui s'est exprimée par visioconférence, ont témoigné mercredi devant la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine.

La mère et le frère de Guillaume Agnelet, qui accuse son père d'avoir tué Agnès le Roux, ont formellement démenti des allégations mises sur le compte d'un homme psychologiquement perturbé.

Selon Guillaume Agnelet, sa mère lui aurait révélé au début des années 1990 les détails du crime, qui aurait été commis en Italie il y a 36 ans à l'aide d'une arme à feu, alors que Maurice Agnelet et la victime faisaient du camping sauvage près de Monte Cassino.

Interrogée mercredi par le président de la cour d'assises, Annie Litas, aujourd'hui âgée de 72 ans, a nié à plusieurs reprises avoir fait de quelconques révélations à son fils.

Acquitté lors d'un premier procès à Nice en 2006, Maurice Agnelet avait été condamné à Aix en Provence un an plus tard à vingt ans de réclusion, avant que la Cour européenne des droits de l'homme ne juge ce deuxième procès inéquitable.

A la suite du témoignage de Guillaume Agnelet, une enquête préliminaire a été ouverte cette semaine en Italie pour effectuer des recherches dans la région de Monte Cassino. (Edité par Marine Pennetier)