(Actualisé tout du long)

par Tom Perry et Alastair Macdonald

LE CAIRE, 21 juin (Reuters) - Des dizaines de milliers de partisans du président Mohamed Morsi se sont rassemblés vendredi au Caire pour apporter leur soutien au chef de l'Etat élu il y a près d'un an, avant des manifestations prévues par ses opposants pour appeler à sa démission.

Le rassemblement, auquel participaient essentiellement des hommes, et quelques femmes voilées, a eu lieu autour d'une mosquée du quartier Nasser. De nombreux manifestants agitaient le drapeau national, certains brandissaient le portrait du président égyptien.

Il s'agissait pour les pro-Morsi de démonter leur capacité à pouvoir rassembler en masse alors que l'opposition prévoit de descendre dans la rue le 30 juin, jour anniversaire de l'investiture de Mohamed Morsi.

"Oui au respect de la volonté du peuple !", lisait-on sur les banderoles des manifestants.

"Il y en a qui veulent faire un coup d'Etat contre l'ordre légal", a déclaré Gaber Nader, un manifestant de 22 ans, la tête protégée du soleil par une banderole verte aux couleurs des Frères musulmans, la confrérie dont est issu le président.

"Le Dr. Morsi a gagné des élections libres et équitables comme dans n'importe quel pays du monde", fait valoir le jeune homme. Pour lui, les Frères musulmans ne cherchent pas à monopoliser le pouvoir et ce sont plutôt les "partis laïques" qui "mangent la démocratie que Dieu nous a donnée".

Aucun incident n'a été signalé au Caire où les rues de la mosquée du quartier Nasser étaient noires de monde. A Alexandrie, deuxième ville du pays, des heurts se sont produits entre pro- et anti-Morsi.

Dans la capitale, des membres des Frères musulmans armés de gourdins verts se disaient prêts à protéger les manifestants des "voyous".

Le rassemblement s'est tenu tout près du lieu où a été abattu l'ancien président Anouar el Sadate en 1981, par d'ex-membres des Frères musulmans. A cette époque-là, les Frères avaient renoncé à la violence mais ils furent victimes de la répression après la mort du président Sadate.

"COUP D'ÉTAT"

Mohamed Morsi, qui n'a pas pu, ou pas voulu, faire une place importante aux "libéraux" dans son gouvernement et a perdu de l'autre côté le soutien des salafistes du parti Nour, a dû se tourner vers des groupes plus radicaux pour trouver des alliés. Notamment la Gama'a Islamiya, dont il a nommé l'un des membres gouverneur de Louxor cette semaine.

Cette nomination a suscité la colère de ceux qui craignent une nouvelle érosion des recettes liées au tourisme. Ce groupe est accusé d'avoir tué 58 touristes étrangers, pour la plupart de nationalité suisse, lors d'un attentat commis le 17 novembre 1997 au temple de la reine Hatchepsout.

Vendredi, des dizaines de partisans de la Gama'a Islamiya ont participé à la manifestation de soutien au président Morsi. Ils ont demandé l'imposition de la loi islamique. "Les gens veulent la loi de Dieu", ont-ils scandé.

Une manifestante, voilée de noir et le front ceint du bandeau vert musulman, a dit craindre qu'un départ de Mohamed Morsi ne se traduise par un retour au pouvoir des militaires qui, dit-elle, ont torturé son fils.

Un autre manifestant, un avocat de 60 ans, expliquait avoir fait le voyage d'Alexandrie au Caire pour soutenir Mohamed Morsi. Pour Ahmed Farrag, "il s'agit d'un coup d'Etat contre les autorités légitimes par des contre-révolutionnaires présents parmi les partis d'opposition."

Les opposants à Morsi disent avoir recueilli 15 millions de signatures à une pétition appelant à la démission du président, soit plus que les 13 millions de voix avec lesquelles Mohamed Morsi a été élu.

Le prix Nobel de la Paix Mohamed ElBaradei, membre du mouvement d'opposition Tamarud (rébellion), a rappelé que la grogne qui s'exprimera le 30 juin était aussi alimentée par les difficultés économiques que connaissent les Égyptiens.

Mohamed ElBaradei, qui a accordé une interview au quotidien Al Hayat, estime qu'une opposition unie pourra obtenir des élections anticipées qui permettront de battre Mohamed Morsi, ajoutant qu'il ne sera pas candidat lui-même.

"C'est la division de l'opposition qui a porté Morsi au pouvoir et je crois qu'elle a compris cette erreur", dit-il.

RENVOI:

L'opposition égyptienne veut retrouver le souffle de la révolution (Danielle Rouquié pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse et Gilles Trequesser)