* L'UE décide des sanctions contre 21 personnalités

* Les Etats-Unis visent 11 personnes

* La Russie propose un "groupe de soutien"

* Les autorités de Kiev refusent

par Aleksandar Vasovic et Adrian Croft

SIMFEROPOL/BRUXELLES, 17 mars (Reuters) - Les autorités de Crimée ont demandé officiellement lundi le rattachement de la presqu'île, ukrainienne depuis 1954, à la Russie, au lendemain d'un vote massif des Criméens en ce sens, tandis que les Etats-Unis et l'Union européenne décidaient de sanctions largement symboliques contre Moscou.

Les votants en Crimée se sont prononcés dimanche à 96,77% pour une séparation de la Crimée d'avec le reste de l'Ukraine et son rattachement à la Fédération de Russie, 60 ans après le don de la presqu'île à l'Ukraine par le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev. Le taux de participation a été de 83%.

A l'issue de cette consultation en forme de plébiscite, les autorités régionales de Crimée ont officiellement demandé dès lundi matin le rattachement de la péninsule à la Fédération de Russie, tandis que les Etats-Unis et l'Union européenne, qui avaient fait savoir qu'ils n'en reconnaîtraient pas les résultats, ont annoncé des gels d'avoirs et des interdictions de déplacements à l'encontre d'un certain nombre de personnalités russes et ukrainiennes.

Le président russe Vladimir Poutine, soupçonné par l'Occident de vouloir peu à peu reconstituer l'ancien empire soviétique, ne figure pas sur la liste des sanctionnés.

Toutefois, l'Union européenne a annoncé lundi que l'Ukraine signerait vendredi le volet politique d'un accord d'association, sans attendre la signature d'un accord commercial de portée plus large.

Le Conseil suprême de Crimée "a adressé à la Fédération de Russie une proposition d'admission de la République de Crimée comme nouveau sujet (de la Russie) avec le statut d'une république", selon un communiqué mis en ligne sur le site du conseil.

Une délégation d'élus régionaux de Crimée était attendue dans la journée à Moscou.

MODESTES SANCTIONS

De son côté, la chambre basse du parlement russe, la Douma, a fait savoir qu'elle adopterait dans un "très proche avenir" une loi autorisant la Crimée à rejoindre la Russie.

"Les résultats du référendum en Crimée montrent clairement que les habitants de Crimée voient leur avenir seulement au sein de la Russie", a déclaré Sergueï Neverov, vice-président de la Douma.

Moscou a proposé de créer un "groupe de soutien" pour assurer un rôle de médiation dans la crise en Crimée, mais les autorités de Kiev ont aussitôt rejeté cette proposition comme étant en fait un "ultimatum" et "absolument inacceptable".

Le Parlement ukrainien a approuvé un décret présidentiel de mobilisation partielle prévoyant l'incorporation de 40.000 réservistes des forces armées et rappelé son ambassadeur en poste à Moscou.

Les propositions russes, exposées à Moscou par le ministère des Affaires étrangères, préconisent la création d'un groupe international de soutien chargé d'une médiation dans la crise russo-ukrainienne liée au référendum de dimanche.

Moscou propose que le groupe de soutien appelle Kiev à adopter une nouvelle Constitution accordant de larges pouvoirs aux régions d'Ukraine et imposant au pays le maintien d'une neutralité militaire et politique.

Les ministres européens des Affaires étrangères réunis à Bruxelles se sont entendus sur une liste de 21 Ukrainiens et Russes qui seront interdits de déplacements et verront leurs avoirs gelés, parce qu'ils sont considérés comme étant à l'origine du référendum de dimanche en Crimée.

Ces sanctions apparaissent modestes, mais les Vingt-Huit se réservent la possibilité d'annoncer de nouvelles mesures lors du Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement qui doit se tenir jeudi et vendredi à Bruxelles.

REBOND DU ROUBLE

Sur les 21 personnes visées, dix sont des hommes politiques russes, trois des militaires et huit des Criméens, indique un diplomate de l'UE.

Les Etats-Unis visent pour leur part une liste moitié moindre de 11 Ukrainiens et Russes dont le vice-Premier ministre russe Dmitri Rogozine et le Premier ministre pro-russe de Crimée, Sergueï Axionov, l'ex-président ukrainien Viktor Ianoukovitch, destitué le 22 février, et deux proches collaborateurs du chef du Kremlin, Vladislav Sourkov et Sergueï Glaziev.

"Les décisions de ce jour envoient un message fort au gouvernement russe, à savoir qu'il y a des conséquences pour ses actions qui violent la souveraineté et l'intégrité territoriales de l'Ukraine, notamment ses actes de soutien au référendum illégal sur la séparation de la Crimée", a déclaré la Maison blanche.

Le chef de la diplomatie britannique William Hague a indiqué que l'UE avait commencé à discuter de la "nécessité de réduire la dépendance de l'Europe à l'énergie russe" au cours des années à venir et a indiqué que de nouveaux noms seraient ajouté à la liste des 21 personnalités sanctionnées.

Il n'est pas sûr que ces sanctions aient des conséquences concrètes. Outre la demande officielle de rattachement à la Russie, les autorités criméennes ont annoncé dès lundi la nationalisation des compagnies d'énergie Tchornomornaftohaz et Ukrtransgaz.

Sur les marchés les actions russes et le rouble ont rebondi, les investisseurs estimant que les sanctions ne créeront pas de dommage économique important.

Vladimir Poutine parlera de la Crimée mardi devant les deux chambres du Parlement russe réunies en séance commune. (Jean-Stéphane Brosse, Henri-Pierre André, Eric Faye et Danielle Rouquié pour le service français)