Moscou (awp/afp) - La banque centrale de Russie a abaissé vendredi son taux directeur pour la première fois depuis septembre et indiqué vouloir poursuivre sur cette voie dans les mois à venir, assouplissant légèrement sa politique très restrictive au moment où l'économie russe se reprend.

Cette baisse d'un quart de point, à 9,75%, a été annoncée à l'issue d'une réunion régulière de politique monétaire de la Banque de Russie, au sujet de laquelle les économistes s'étaient montrés divisés dans leurs pronostics.

"A moyen terme, nous allons abaisser notre taux progressivement, peut être avec des pauses, tout en conservant une politique monétaire modérément restrictive", a expliqué la présidente de l'institution, Elvira Nabioullina, lors d'une conférence de presse.

"Nous agirons de manière prudente", a-t-elle souligné.

Dans son communiqué, la banque centrale a expliqué sa décision de renouer avec les baisses de taux après six mois de pause par le ralentissement de l'inflation, "plus marqué que prévu".

Elle évalue l'inflation à 4,3% sur un an contre 5% en janvier, bien loin de plus de 15% atteints en 2015, destructeurs pour le pouvoir d'achat des ménages. Surtout, elle estime que son objectif de moyen terme, 4%, sera atteint d'ici à la fin de l'année.

Cette décision "marque probablement le début d'un long cycle de baisse des taux" jusqu'à 8% fin 2017 et 6% fin 2018, a jugé William Jackson, du cabinet Capital Economics, anticipant une poursuite du ralentissement de l'inflation.

Certains économistes avaient parié sur un statu quo et d'autres sur un assouplissement de la politique monétaire menée par la Banque de Russie depuis la sortie de route du rouble de fin 2014, très restrictive pour l'activité économique.

- Reprise 'plus rapide' -

Dmitri Lepetikov, responsable des études de la banque VTB24, a salué une décision "fondée": "Le niveau d'inflation est plus faible que prévu, le cours du rouble est stable, et dans le même temps, des mesures de soutien à l'économie sont nécessaires".

L'économie russe a fort besoin d'un coup de pouce car elle sort à peine de deux ans de récession causée par l'effondrement des cours du pétrole et les sanctions imposées par les Occidentaux en raison de la crise ukrainienne.

La banque centrale juge cependant la reprise "plus rapide que prévu" et s'attend à une croissance du produit intérieur brut entre 1% et 1,5% cette année, après une contraction totale de plus de 3% en 2015-2016.

Le principal obstacle à une baisse de taux était en réalité... la banque centrale elle-même. Lors de sa dernière réunion début février, elle avait averti qu'une baisse de taux était devenue moins probable à cause d'achats de devises étrangères sur le marché lancés par le gouvernement pour freiner le rouble et maintenir la compétitivité.

Même si ces opérations n'ont pas eu les effets craints, certains experts jugeaient difficile pour la banque centrale de changer son fusil d'épaule aussi rapidement.

Après l'abaissement de 0,25 point, la politique de la Banque de Russie reste marquée par des taux élevés visant à stabiliser le niveau d'inflation pour donner de la visibilité aux acteurs économiques. Cette voie a été saluée par les milieux financiers libéraux mais critiquée par le patronat, voire le gouvernement.

"Cette stratégie conservatrice peut paraître peu attractive à court terme mais je suis convaincue qu'à moyen terme elle permettra d'atteindre des résultats plus solides, avec la création en Russie d'un environnement de faibles hausses des prix et des coûts", a défendu Mme Nabioullina.

L'institution, qui dispose d'une réputation d'indépendance rare en Russie, a gardé le soutien de Vladimir Poutine, très attaché à la stabilité monétaire. Ce dernier vient d'annoncer sa décision de reconduire sa présidente Elvira Nabioullina pour un deuxième mandat de cinq ans.

"Baisser le taux de manière infondée et prématurée, même si bien sûr on voudrait le faire, pourrait provoquer de l'inflation et un affaiblissement de la monnaie nationale", a prévenu récemment le président russe face à des hommes d'affaires.

afp/al