Tokyo (awp/afp) - La Banque du Japon (BoJ) a annoncé vendredi qu'elle allait réduire ses achats massifs d'obligations publiques japonaises, une nouvelle étape de la normalisation très progressive de sa politique monétaire et un moyen implicite de renforcer potentiellement le yen à terme.

Elle a maintenu en même temps son taux directeur entre 0% et 0,1%, son niveau depuis mars quand elle avait abandonné sa politique de taux négatifs.

La BoJ n'a pas fourni immédiatement de nouveau montant pour ses achats obligataires, comptant fournir un "plan détaillé" sur "un an ou deux" après sa prochaine réunion fin juillet et des consultations avec les acteurs du marché, selon un communiqué.

Sa temporisation a soulagé la Bourse de Tokyo, qui a clôturé vendredi en petite hausse, tandis que le yen fléchissait un peu par rapport au dollar et à l'euro et que les rendements obligataires nippons baissaient légèrement aussi.

Les investisseurs "avaient digéré des informations de presse sur l'intention de la BoJ de réduire ses achats obligataires" ces dernières semaines, donc ses annonces de vendredi étaient "le minimum syndical", a réagi Shunsuke Kobayashi, chef économiste chez Mizuho Securities, interrogé par l'AFP.

"C'est une déception pour ceux qui s'attendaient à plus de clarté" rapidement sur la réduction de ce programme, a-t-il ajouté.

Le gouverneur de la BoJ, Kazuo Ueda, a toutefois assuré vendredi lors d'une conférence de presse que cette baisse serait substantielle, avec un plan "solide" et transparent.

Une montagne d'actifs devenue gênante

La BoJ a maintenu jusqu'à présent ses achats d'obligations publiques japonaises (JGB) au même rythme qu'auparavant, soit environ 6.000 milliards de yens (plus de 35 milliards d'euros) par mois.

La banque centrale a justifié vendredi la future réduction de ce programme "pour garantir que les taux d'intérêt de long terme se forment plus librement sur les marchés financiers".

Héritage de la politique monétaire ultra-accommodante qu'elle a menée depuis 2013, le poids de la BoJ sur le marché obligataire japonais est énorme: l'institution détient plus de 50% des JGB en circulation, ce qui biaise le marché et complique la bonne transmission de sa politique monétaire.

L'ensemble des actifs au bilan de la BoJ dépasse même le montant du PIB annuel nippon.

L'autre raison d'agir de la BoJ est probablement d'ordre politique, sous l'effet de la "pression" du gouvernement japonais pour enrayer la chute du yen, pense M. Kobayashi.

Liée au grand écart persistant entre les taux directeurs de la Réserve fédérale américaine (Fed) et ceux de la BoJ, la dégringolade du yen est redevenue problématique ces derniers mois.

Sa chute s'était accentuée après un statu quo monétaire de la BoJ fin avril, ce qui avait forcé le gouvernement japonais à intervenir à hauteur de 62 milliards de dollars sur le marché des changes pour défendre la monnaie nationale, comme à l'automne 2022.

"Aucune bonne option"

Le yen ultra-bas présente certains avantages pour le Japon, notamment à l'export. Mais en renchérissant les importations du pays, il augmente aussi l'inflation et plombe le pouvoir d'achat des ménages.

Or, la BoJ cherche à générer une inflation stable de 2% tirée par la demande, grâce à des hausses de salaires et à une consommation intérieure plus dynamique.

"La BoJ n'a aucune bonne option" à sa disposition pour l'heure, selon Stefan Angrick, économiste de Moody's Analytics.

Car "l'économie japonaise se porte mal", avec une demande intérieure restant en difficulté en raison de salaires réels (hors inflation) toujours en berne, malgré des augmentations salariales significatives annoncées ce printemps, ajoute M. Angrick dans une note publiée vendredi.

La hausse des prix à la consommation dans le pays reste supérieure à 2%, mais l'inflation sous-jacente (hors produits frais et énergie) donne des signes de fatigue.

En dépit de cette conjoncture morose, "la faiblesse du yen fait pencher la balance en faveur d'un nouveau resserrement" monétaire dans les prochains mois, estime encore M. Angrick.

Les observateurs se demandent si la BoJ va attendre septembre pour relever de nouveau son taux directeur, comme la réduction de ses achats de JGB pourrait être au centre de sa prochaine réunion les 30 et 31 juillet.

M. Ueda a toutefois dit vendredi qu'une hausse de taux en juillet était "possible", en fonction des données sur l'économie et les prix disponibles d'ici là.

afp/jh