* Treize morts dans la nuit de dimanche à lundi

* Des commissariats attaqués selon la TV

* Le président appelle au calme, menace les fauteurs de troubles

* Les manifestants dénoncent pénurie et corruption (Actualisé avec nouveau bilan de la nuit de dimanche)

par Michael Georgy

DUBAI, 1er janvier (Reuters) - Un policier a été tué dans des manifestations dans le centre de l'Iran, a annoncé lundi un porte-parole des forces de l'ordre, au cinquième jour du mouvement de contestation qui agite le pays.

Treize personnes ont été tuées en outre au cours de la nuit de dimanche à lundi, dans des manifestations contre le gouvernement et la vie chère organisées dans plusieurs villes.

"Un agitateur a profité de la situation dans la ville de Najafabad et tiré sur les forces de police avec un fusil de chasse. Trois (policiers) ont été blessés et un dernier est mort en martyr", a annoncé un porte-parole de la police cité par la télévision publique, sans préciser quand avait eu lieu l'affrontement.

Il s'agit de la première victime au sein des forces de l'ordre depuis le début du mouvement, jeudi.

Les manifestations se sont poursuivies lundi, malgré l'appel au calme lancé dimanche soir par le président Hassan Rohani. L'agence de presse Fars a notamment fait état de groupes dispersés de manifestants dans le centre de la capitale, Téhéran, et de l'interpellation d'un de leurs meneurs.

Des centaines de personnes ont été interpellées, selon les autorités et les réseaux sociaux.

Le mouvement de contestation, d'une ampleur inédite depuis la vague de manifestations contre la réélection de l'ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad en 2009, a fait descendre des dizaines de milliers d'Iraniens dans les rues.

Selon la télévision publique iranienne, des protestataires armés ont tenté dimanche de s'emparer de commissariats de police et de bases militaires mais ont été repoussés par les forces de sécurité. Elle n'a donné aucun autre détail et l'information n'a pu être recoupée auprès d'autres sources.

Cité par l'agence Isna, le ministère des Renseignements a annoncé l'arrestation de plusieurs "émeutiers et agitateurs fauteurs de trouble à l'ordre public".

La télévision publique estimait initialement à dix le nombre de personnes tuées dimanche, mais le décompte a été revu en hausse lundi. Le vice-gouverneur de la province de Hamadan (ouest), Saeed Shahrokhi, a annoncé la mort de trois manifestants à Tuyserkan, portant le bilan à treize tués.

Le mouvement de contestation a commencé en milieu de semaine à Mashhad, deuxième ville du pays, pour dénoncer la hausse des prix du carburant et la vie chère avant de s'étendre rapidement et prendre un tour politique.

Les autorités doivent faire face au mécontentement de la population envers la politique économique du gouvernement de Hassan Rohani ou, fait nouveau, l'intervention coûteuse de l'Iran dans les conflits en Syrie ou en Irak.

Des manifestants appellent aussi à la démission du guide suprême de la Révolution, l'ayatollah Ali Khamenei, et dénoncent la corruption des mollahs au pouvoir. "Mort à Khamenei!", pouvait-on entendre lundi au sein des manifestants à Kermanshah, dans l'ouest de l'Iran.

DROIT A LA CRITIQUE

Dimanche soir, Hassan Rohani a commenté les événements en cours, des propos retransmis à la télévision, en reconnaissant que les Iraniens avaient le droit de critiquer leurs autorités, tout en mettant en garde les "fauteurs de troubles".

"Le gouvernement n'aura aucune tolérance pour ceux qui endommagent les biens publics, violent l'ordre public et fomentent des troubles dans la société", a déclaré le président.

Le gouvernement a annoncé que l'accès aux applications de messagerie Telegram et Instagram serait temporairement limité, tandis que, dans certaines zones du pays, des Iraniens faisaient état d'accès internet bloqué sur leur téléphone.

A Izeh, dans le sud-ouest du pays, deux personnes ont été abattues et plusieurs autres blessées dimanche, selon le témoignage d'un parlementaire rapporté par l'agence de presse Ilna.

Le gouverneur de la région, Mostafa Samali, a toutefois déclaré à l'agence de presse Fars que seule une personne avait été tuée, que l'affaire n'avait pas de lien avec les manifestations et que le tueur présumé avait été arrêté.

Des rassemblements ont dégénéré en affrontements à Shahin Shahr, dans le centre du pays. Sur des vidéos diffusées sur internet, on peut voir des manifestants attaquer la police et retourner une voiture avant de l'incendier. Reuters n'a pu vérifier l'authenticité de ces images.

D'autres manifestations ont été signalées à Sanandaj (ouest) ainsi qu'à Chabahar (sud-est) et Ilam (sud-ouest).

SOUTIEN AUX MANIFESTANTS

Le président américain Donald Trump, qui multiplie les tweets contre le gouvernement iranien depuis le début des événements, a jugé que "l'Iran failli(ssai)t à tous les niveaux malgré l'accord horrible conclu avec lui par Barack Obama", allusion à l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien signé par Téhéran et six grandes puissances.

"Le grand peuple iranien a été réprimé pendant de trop longues années. Il a faim de nourriture et de liberté. (...) IL EST TEMPS DE CHANGER!" a encore écrit lundi Donald Trump sur son compte Twitter.

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel a fait part lundi de son inquiétude quant au décès de manifestants et a appelé Téhéran à respecter le droit des Iraniens à se "rassembler et à faire entendre leur voix de manière pacifique". "Après les confrontations des derniers jours, il est d'autant plus important que toutes les parties s'abstiennent d'actions violentes", a-t-il ajouté.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a souhaité lundi le succès des Iraniens "dans (leur) noble quête de liberté" tout en ajoutant qu'Israël n'est aucunement impliqué dans les affaires intérieures de la République islamique. (Bureau de Dubai; Danielle Rouquié, Jean-Stéphane Brosse et Julie Carriat pour le service français)