NATIONS UNIES, 18 janvier (Reuters) - Retour sur l'accord de Vienne signé le 14 juillet dernier entre Téhéran et le groupe P5+1 (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne et Allemagne) et sur la signification de l'annonce, samedi soir par l'AIEA, du respect de leurs engagements par les Iraniens.

"BREAK-OUT TIME"

L'accord conclu le 14 juillet dernier à Vienne veut prolonger, pour la décennie à venir, le temps incompressible qui serait théoriquement nécessaire à l'Iran pour constituer un stock de matière fissile (uranium hautement enrichi ou plutonium) suffisant pour produire une bombe atomique - si Téhéran, qui s'en défend, décidait de se doter de l'arme atomique.

Ce "break-out time", dans le jargon des diplomates et des experts, passe d'une durée de quelques mois à au moins un an.

Les adversaires de l'accord, notamment Israël et les élus républicains au Congrès des Etats-Unis, soulignent qu'une fois écoulée la durée de l'accord de Vienne, dont les principales restrictions fixées au programme nucléaire iranien expirent dans dix à quinze ans, rien ne s'opposera à ce que Téhéran se dote rapidement de l'arme atomique.

ENRICHISSEMENT DE l'URANIUM

A l'origine, l'Iran souhaitait conserver la totalité de ces centrifugeuses, des machines qui purifient et enrichissent l'uranium. Selon le degré d'enrichissement, l'uranium peut servir de combustible pour la production nucléaire d'énergie ou, s'il est très enrichi, entrer dans le processus de fabrication de la bombe atomique.

Par l'accord de Vienne, la république islamique a accepté de réduire des deux tiers le nombre de ses centrifugeuses. Elle est autorisée à faire fonctionner jusqu'à 5.060 centrifugeuses dites de première génération pendant dix ans dans son site de Natanz. Le degré d'enrichissement de l'uranium sera limité à 3,67%, bien en deçà des 90%, le seuil d'un uranium enrichi de qualité militaire.

L'Iran conserve aussi 1.044 centrifugeuses de première génération à Fordow, son centre d'enrichissement souterrain qui sera converti en centre de technologie et de physique nucléaire.

Avant l'accord, l'Iran disposait de 20.000 centrifugeuses à Natanz et Fordow. Toutes n'étaient pas opérationnelles.

L'accord souligne que l'Iran peut continuer à mener des activités de recherche et développement, y compris sur des centrifugeuses avancées, mais sans accumuler d'uranium enrichi.

Durant les négociations, les Occidentaux s'inquiétaient de laisser aux Iraniens la possibilité de se doter de centrifugeuses plus efficaces, qui réduiraient le "break-out time".

ARAK

Le réacteur à eau lourde d'Arak, à quelque 300 km au sud-ouest de Téhéran, a été l'un des principaux points de contentieux tout au long des négociations. Ce type de réacteur est à même de produire des quantités significatives de plutonium utilisable à des fins militaires.

Conformément à leurs engagements, les Iraniens ont retiré le coeur du réacteur et l'ont comblé en coulant une chape de ciment, selon le département américain d'Etat. (voir )

STOCK D'URANIUM

L'Iran doit réduire ses stocks existants d'uranium enrichi pour les ramener dans les quinze ans d'environ 10.000 kg aujourd'hui à 300 kg.

Le 28 décembre, Washington a déclaré qu'un navire transportant plus de 11 tonnes d'uranium faiblement enrichi avait quitté l'Iran à destination de la Russie. (voir )

POSSIBLE DIMENSION MILITAIRE

Dans un rapport diffusé en novembre 2011, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) faisait état de "sérieuses inquiétudes concernant une possible dimension militaire du programme nucléaire iranien". Citant à l'appui des informations "crédibles", l'AIEA affirmait que ces données "indiquent que l'Iran a mené des activités relatives à la mise au point d'un engin explosif nucléaire".

L'Iran a coopéré avec l'AIEA pour que l'agence onusienne mène son enquête à son terme.

Le mois dernier, après réception de documents qui n'ont pas été rendus publics, le conseil des gouverneurs de l'AIEA a décidé de mettre fin à cette enquête. L'Iran, qui dément avoir envisagé un jour de se doter de la bombe atomique, a salué par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, "cette résolution qui montre la nature pacifique du programme nucléaire iranien". (voir )

SANCTIONS

L'ensemble des sanctions imposées entre 2006 et 2010 par les NATIONS UNIES sont levées.

La résolution adoptée le 20 juillet 2015, six jours après l'accord de Vienne, maintient des restrictions qui pèsent encore pour huit ans sur la technologie des missiles balistiques de l'Iran, et pour cinq ans sur les armes lourdes. L'embargo qui interdit à Téhéran d'acheter ou de vendre des armes reste aussi en place pour cinq ans. (voir )

Du côté de l'UNION EUROPÉENNE, la confirmation par l'AIEA du respect de leurs engagements par les Iraniens a conduit à la mise en oeuvre immédiate des étapes formelles qui conduiront à la levée de toutes les sanctions économiques et financières liées au programme nucléaire (transferts financiers; banques; assurances; système SWIFT; financement du commerce; pétrole, gaz et produits pétrochimiques; équipement et technologie navals; conception et construction de cargos et de navires pétroliers; accès aux aéroports européens; commerce de l'or, du diamant et des métaux précieux).

Aux ETATS-UNIS, les sanctions liées au nucléaire sont suspendues.

Dans la pratique, cela équivaut à une levée des restrictions qui empêchaient les entreprises, les entités et les personnes physiques non américaines à réaliser des transactions avec l'Iran dans un vaste éventail de domaines (sous peine de voir frappées d'amendes leurs activités aux Etats-Unis). En revanche, pour l'essentiel, les sanctions qui visent les entités américaines resteront en vigueur.

L'assouplissement le plus spectaculaire du régime de sanctions américaines concerne le pétrole: les entités non américaines sont désormais autorisées à acheter du brut iranien ou à investir dans le secteur.

Parmi les autres possibilités, on retrouve les transactions en devises iraniennes; la fourniture de dollars au gouvernement iranien; le déblocage de revenus pétroliers iraniens détenus à l'étranger; les émissions d'obligations iraniennes, etc.

"SNAPBACK"

Ce mécanisme est une réponse aux peurs que l'Iran puisse renoncer à ses engagements une fois les sanctions levées.

Il prévoit que des sanctions punitives puissent être automatiquement réintroduites si Téhéran se met en défaut de conformité ave l'accord de Vienne.

Aux termes de la résolution votée le 20 juillet par le Conseil de sécurité, en cas de plainte formulée auprès du conseil, celui-ci disposera d'un délai de 30 jours pour se prononcer. Si à expiration de ce délai, il n'a pas adopté de résolution, les sanctions seront automatiquement remises en vigueur.

Cette procédure empêche dans les faits tout membre permanent du Conseil de sécurité de jouer de son droit de veto pour bloquer une relance des sanctions.

RENVOI

Texte complet de l'accord de Vienne:

http://eeas.europa.eu/statements-eeas/docs/iran_agreement/iran_joint-comprehensive-plan-of-action_en.pdf

Pour retrouver LE POINT sur la levée des sanctions:

(Louis Charbonneau avec Arshad Mohammed à Washington; Henri-Pierre André pour le service français)