Les experts en santé publique appellent à la prudence alors que les niveaux de COVID-19 dans les eaux usées augmentent. Selon les analystes politiques, les élections imminentes en Ontario et au Québec, les plus peuplées des 10 provinces canadiennes, pourraient dissuader les politiciens de rétablir les mesures sanitaires en cas de pandémie.

Pendant ce temps, la diminution des tests rend difficile pour les individus de faire les évaluations personnelles des risques que les politiciens demandent instamment.

La plupart des Canadiens ont soutenu les restrictions et autres mesures de lutte contre la pandémie en place depuis deux ans, bien qu'une minorité bruyante s'y soit opposée, ce qui a provoqué une manifestation de trois semaines au début de 2022 qui a paralysé Ottawa et plusieurs postes frontaliers internationaux. Le Premier ministre Justin Trudeau a invoqué les pouvoirs d'urgence pour mettre fin à l'agitation.

Si les premiers ministres de l'Ontario et du Québec restent favorisés pour être réélus face à une opposition divisée, tous deux risquent de s'aliéner certains électeurs s'ils imposent de nouvelles mesures, selon les sondeurs.

"Je ne pense pas qu'il soit jamais trop tard ou intenable de resserrer les choses. Mais le calcul politique qui l'entoure, plus vous vous rapprochez de l'élection, sera pondéré plus lourdement", a déclaré Shachi Kurl, président de l'institut de sondage Angus Reid.

L'Ontario, dont les élections auront lieu le 2 juin, a abandonné son mandat de masque dans la plupart des endroits la semaine dernière. Le Québec, qui se rend aux urnes en octobre, prévoit de faire de même le mois prochain.

L'Alberta, où le premier ministre Jason Kenny fait l'objet d'une révision interne de son leadership en raison de l'opposition de son Parti conservateur uni aux mesures COVID-19 et à d'autres questions dans la province de l'Ouest canadien, a mis fin aux restrictions liées à la pandémie, y compris à l'obligation de porter un masque, le 1er mars.

Toutefois, les masques sont toujours requis dans certains milieux, y compris les transports en commun, dans les trois provinces.

Bien qu'un retour à des restrictions strictes concernant le COVID-19 puisse être logique sur le plan scientifique, "politiquement, ce serait extrêmement dommageable" pour le premier ministre québécois François Legault, a déclaré Philippe Fournier, créateur du site de projection électorale 338Canada.com.

UN DÉPLACEMENT "PRÉMATURÉ" DU MASQUE

La plupart des Canadiens ont reçu leur vaccin COVID-19, plus de 90 % de la population de certaines provinces ayant reçu au moins une première dose. Mais ce chiffre baisse considérablement pour les rappels.

Le taux de mortalité lié au COVID-19 au Canada, qui est d'environ 100 pour 100 000 personnes, représente environ un tiers du taux américain mais plus de quatre fois celui de l'Australie.

Les porte-parole des ministères de la Santé de l'Ontario et du Québec ont déclaré qu'ils surveillaient toute poussée du virus. Un porte-parole du ministère de la santé de l'Alberta a déclaré que ses mesures sont conformes à celles prises dans d'autres juridictions et que les Albertains peuvent "juger de leurs propres risques".

Les trois provinces ont précédemment nié que leur assouplissement des restrictions était motivé par la politique.

La table consultative scientifique de l'Ontario est en train de réviser sa modélisation de la gravité de la vague actuelle, car les gens passent plus de temps à l'intérieur, sans masque, avec des personnes extérieures à leur foyer, a déclaré Peter Juni, directeur scientifique de la table.

Il a déclaré que la levée de l'obligation de porter un masque en Ontario était "prématurée".

Le port du masque s'est avéré largement populaire au Canada - 73 % des personnes interrogées dans le cadre d'un sondage Angus Reid au début du mois l'ont soutenu, tandis que 64 % ont déclaré être en faveur des passeports vaccinaux.

Le commissaire aux droits de la personne de la Colombie-Britannique, Kasari Govender, a demandé à sa province de rétablir le mandat relatif aux masques auquel elle a récemment mis fin.

Rejean Leclerc, le président d'un syndicat québécois représentant les aides-soignants, a demandé à la province de ne pas abandonner son mandat de port de masque le 15 avril, avertissant qu'une augmentation du nombre de patients atteints du COVID-19 pourrait mettre à mal un système hospitalier déjà fragile.

Les cas de COVID-19 sont en hausse ailleurs, les infections en Asie ayant dépassé les 100 millions cette semaine au milieu d'une résurgence dominée par la sous-variante BA.2 de l'Omicron.

Le principal responsable de la santé publique au Québec a déclaré cette semaine que le nombre de travailleurs de la santé en arrêt maladie à cause du COVID-19 a augmenté de 60 % en une semaine, pour atteindre environ 2,5 % du personnel de santé.

La Coalition Avenir Québec (CAQ) de M. Legault, de centre-droit, bien qu'elle soit la favorite pour remporter les élections d'octobre contre quatre partis rivaux, fait face à la pression à droite d'un conservateur qui s'oppose aux mandats.

Le premier ministre progressiste-conservateur de l'Ontario, Doug Ford, doit quant à lui faire face à un numéro d'équilibriste, selon M. Kurl.

"Vous voulez avoir l'air de prendre des décisions bonnes et raisonnables tout en ne contrariant pas des parties importantes de votre base électorale", a déclaré le président d'Angus Reid.