* Justin Trudeau devant le Parlement européen

* Un traité jugé par beaucoup comme un modèle du genre

* Mais la gauche est très divisée sur le sujet

par Gilbert Reilhac

STRASBOURG, 13 février (Reuters) - Le Parlement européen se prononcera mercredi sur le CETA, accord controversé de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada qui pourrait entrer en vigueur provisoirement cette année en attendant sa ratification par les parlements nationaux.

Un collectif, Stop CETA, réunissant des associations et des partis de gauche, appelle à une manifestation devant l'hémicycle de Strasbourg mercredi tandis que le Premier ministre du Canada, Justin Trudeau, prononcera un discours devant les eurodéputés le lendemain.

Ce traité de libéralisation des échanges négocié depuis 2009 est présenté comme un modèle par ses défenseurs qui portent à son crédit la sanctuarisation des services publics, la reconnaissance des Indications géographiques protégées ou celle des normes européennes en matière de santé, de sécurité alimentaire, d'environnement ou de droits sociaux.

La signature de l'Accord économique et commercial global (CETA), pourrait selon eux augmenter de 20% le commerce entre les deux parties.

Ses détracteurs y voient au contraire un cheval de Troie qui ouvrirait la voie à un accord UE/Etats-Unis, le TTIP, sur lequel les négociations semblent toutefois compromises depuis l'arrivée du protectionniste Donald Trump à la Maison Blanche.

Ils continuent à craindre qu'il ne renforce les multinationales et ne tire vers le bas les normes européennes, tout en contestant la création d'un tribunal permanent des litiges ou "Système de cour des investissements" (SCI ou ICS en anglais) dont les membres seraient désignés conjointement par l'Union européenne et le Canada.

Signe des tensions qui traversent le Parlement européen, sa commission de l'emploi s'est prononcée contre le CETA par 27 voix contre 24 le 8 décembre dernier, jugeant qu'il entraînerait la perte de 204.000 emplois dans l'UE.

LE "CONTRAIRE" DU LIBÉRALISME SAUVAGE

Le 24 janvier dernier, sa commission du Commerce, directement concernée, l'approuvait par 25 voix contre 15.

"Avec le CETA, nous rejetons une globalisation sauvage et posons les fondation d'une nouvelle aire d'échanges régulés", s'était alors félicité le travailliste britannique David Martin, porte-parole du groupe socialiste dans cette commission.

Franck Proust, eurodéputé français Les républicains, qui siège également en son sein, ne dit pas autre chose, même s'il regrette qu'on ne soit pas allé assez loin, en particulier concernant la réciprocité dans l'ouverture des marchés publics à la concurrence, portée de 10 à 30%.

"Ce n'est pas de la dérégulation, pas du libéralisme sauvage, c'est tout le contraire", a-t-il dit à Reuters. "J'ai obtenu satisfaction sur toutes mes lignes rouges", ajoute-t-il en évoquant notamment l'ICS qui devait initialement faire appel à des arbitres privés.

Alors que son groupe, le Parti populaire européen (PPE - centre droit), le plus important au sein du Parlement, est très favorable au CETA, il n'en va pas de même des Socialistes et démocrates, second en nombre, très divisé sur le sujet.

Les députés chargés du dossier au sein du groupe et son président, l'Italien Gianni Pitella, penchait pour un net soutien mais nombre de voix, dont celles de la délégation française "unanime", ont fait part de leur désaccord. Le groupe définira mardi soir une position qui, dans le pire des cas, sera une liberté de vote, a indiqué à Reuters une source en son sein.

Le camp CETA, qui compte aussi les Conservateurs et réformistes (principalement des Britanniques et des Polonais) ainsi que les Libéraux et démocrates, est en théorie majoritaire face à l'extrême droite protectionniste, aux écologistes, à la gauche communiste, même appuyés par nombre de socialistes.

Restera, pour que l'accord entre définitivement en vigueur, à obtenir sa ratification par les 28 parlements nationaux et, dans certains pays, régionaux. La fronde du Parlement wallon, qui avait posé ses conditions avant de se rallier, à l'automne dernier, laisse entendre que le résultat n'est pas acquis. (Edité par Yves Clarisse)