par Lesley Wroughton

Cette affaire, révélée par le Wall Street Journal, survient en pleine crise financière et bancaire internationale qui a conduit plusieurs pays à solliciter l'aide de l'organisation internationale.

Dans un communiqué, le FMI précise que l'enquête a été ordonnée par Shakour Shaalan, président du conseil d'administration du FMI, qui a été informé cet été des allégations visant l'ancien ministre socialiste de l'Economie et des Finances.

L'enquête a été confiée à un cabinet juridique extérieur à l'institution internationale - Morgan, Lewis et Bockius LLP - dont les conclusions devront être rendues d'ici la fin du mois.

"Toutes les allégations, notamment celles impliquant de hauts responsables, sont prises très au sérieux", a déclaré un porte-parole du FMI. "Le doyen a demandé qu'une enquête indépendante soit menée par des avocats extérieurs pour établir la véracité des allégations".

"Une accusation a été portée concernant un comportement personnel inapproprié du directeur général", a déclaré Masood Ahmed, principal porte-parole du FMI, cité par le Wall Street Journal. "Toutes les accusations, notamment lorsqu'elles concernent la direction, doivent faire l'objet d'une enquête", a-t-il ajouté.

Dans un communiqué, Dominique Strauss-Kahn a reconnu avoir eu une liaison, précisant que l'"incident qui s'est produit dans ma vie privée" avait eu lieu en janvier 2008.

"A aucun moment, je n'ai abusé de ma position de directeur général du Fonds", dit-il. "J'ai coopéré et je continuerai de coopérer avec un conseil extérieur au FMI concernant cette affaire".

RÉSULTATS ATTENDUS FIN OCTOBRE

L'ancien ministre français a été élu en septembre 2007 à la tête de l'organisation internationale qui fournit une expertise et dans certains cas, des prêts, à ses 185 pays membres. Sa candidature, soutenue par l'Union européenne et les Etats-Unis, avait été avancée par Nicolas Sarkozy, dans le cadre de sa politique d'ouverture.

Il avait été battu par Ségolène Royal dans la course à l'investiture socialiste pour l'élection présidentielle de 2007.

En juin 2007, le président de l'époque de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz, avait été contraint à la démission après être intervenu dans le processus de promotion de sa compagne, également salariée de l'organisation.

Selon le Wall Street Journal, la gestion de l'enquête a suscité des critiques au FMI, une partie des 24 membres de son conseil d'administration n'ayant été informés des accusations pesant sur son directeur général que vendredi.

Certains font valoir que les membres du FMI qui avaient connaissance de ces accusations auraient pu utiliser cette information pour faire pression sur Dominique Strauss-Kahn.

Selon le Wall Street Journal, l'enquête porte sur la liaison qu'a eue "DSK" avec Piroska Nagy, d'origine hongroise, qui occupait à l'époque un poste important d'économiste au département Afrique du FMI.

Selon plusieurs sources proches du dossier, Dominique Strauss-Kahn l'aurait approchée en décembre 2007. Ils auraient ensuite échangé des courriels évoquant une possible relation intime qui se serait concrétisée au début de l'année lors d'une conférence en Europe.

LE PRÉCÉDENT WOLFOWITZ

Peu de temps après, l'époux de Piroska Nagy, Mario Blejer, un économiste réputé d'origine argentine qui a notamment travaillé pour le FMI et la Banque centrale d'Argentine, a découvert les courriers électroniques, ce qui aurait mis un terme à leur liaison.

Les enquêteurs veulent savoir si le directeur général du FMI a favorisé sa collaboratrice ou s'il a cherché au contraire à se venger. Ils souhaitent également déterminer si les indemnités perçues par Piroska Nagy à son départ de l'organisation étaient supérieures à la normale.

Elle a démissionné en août dans le cadre de la politique de réduction de ses effectifs menée par le FMI et elle a depuis rejoint la Banque européenne pour la reconstruction et le développement à Londres.

Son avocat, Robert Litt, a déclaré qu'elle ne "faisait pas de commentaires sur sa vie privée", précisant toutefois qu'elle n'avait pas fait l'objet de pressions pour quitter le FMI.

"Elle n'a reçu aucun traitement spécial, qu'il soit favorable ou défavorable", a déclaré l'avocat.

En menant une enquête rapide, le FMI espère éviter le scandale qui a éclaboussé l'an dernier la Banque mondiale mais la tâche s'avèrera compliquée si les accusations portées contre son directeur général sont corroborées.

"Si ces accusations sont vraies, je pense que (Strauss-Kahn) devra partir", déclare au Wall Street Journal Michael Mussa, un ancien économiste du FMI qui travaille aujourd'hui pour le Peterson Institute for International Economics.

avec Gwénaelle Barzic à Paris, version française Jean-Loup Fievet