Zurich (awp) - Le renchérissement en Suisse s'est maintenu à 1,6% en août sur un an, au même niveau qu'au mois de juillet. En comparaison mensuelle, le carburant et les loyers ont tiré les prix vers le haut. Ces derniers sont amenés à peser encore plus sur le budget des ménages cet automne.

L'indice des prix à la consommation (IPC) a en revanche augmenté de 0,2% sur un mois à 106,4 points, selon l'Office fédéral de la statistique (OFS) vendredi. Cette progression "s'explique par plusieurs facteurs, dont l'augmentation des prix des carburants et du mazout", mais aussi des loyers et des frais liés aux dépôts de titres. A l'inverse, la location de véhicules personnels a diminué, de même que les prix des transports aériens et ceux pour les voyages à forfait internationaux, notent les statisticiens fédéraux.

L'inflation a atteint le haut de la fourchette des pronostics. Les économistes interrogés par l'agence AWP prévoyaient que le renchérissement s'établirait en Suisse entre 1,4% et 1,6% sur un an en août. La variation mensuelle était attendue entre 0,0% et +0,2%. Depuis juin, l'inflation est passée sous la barre des 2%, l'objectif que s'est fixé la Banque nationale suisse (BNS).

"L'inflation est stable à un niveau élevé", a résumé auprès d'AWP Thomas Stucki, chef des investissements à la Banque cantonale de St-Gall (SGKB). Dans des secteurs liés à la consommation, comme le commerce de détail et l'hôtellerie-restauration, la hausse des coûts peut encore être répercutée aux clients, a-t-il constaté.

En comparaison annuelle, sachant que l'inflation avait déjà progressé en 2022 dans la foulée du déclenchement de la guerre en Ukraine, les prix de l'alimentation et des boissons non alcoolisées ont grimpé de 4,1%, ceux de l'habillement et des chaussures de 2,7% et ceux de la catégorie "logement et énergie" de 2,9%. En pleine saison estivale, le coût des loisirs a pris 3,2% et celui des restaurants et des hôtels 2,9%.

Le diesel et l'essence ont chuté de respectivement plus de 15% et 12% sur un an, mais grimpé d'environ 5% chacun sur un mois.

Les loyers vont encore gonfler

Dans son communiqué, l'OFS évoque aussi l'augmentation en août de l'indice des loyers de 0,4% par rapport au trimestre précédent, s'établissant à 104,2 points. Sur un an, il a crû de 1,5%.

Des hausses de loyer sont attendues en raison de l'augmentation en juin du taux hypothécaire de référence applicable aux contrats de bail, ajoute l'OFS. A partir de novembre, "il sera possible d'évaluer à quel point et à quelle vitesse les adaptations des loyers existants se répercutent sur les résultats de l'indice des loyers", d'après le document qui souligne que "ces effets ne sont pas encore visibles au mois d'août". Après une première hausse de 25 points de base à 1,50% en juin, l'Office fédéral du logement (OFL) a maintenu vendredi ce taux inchangé en septembre.

Pour le chef économiste de Raiffeisen, Fredy Hasenmaile, si la hausse des prix continue de ralentir en Suisse, s'appuyant sur l'inflation sous-jacente c'est-à-dire sans les produits frais et saisonniers ainsi que l'énergie et les carburants à 1,5%, cela ne va pas durer. "La hausse à venir des loyers pèsera sur les locataires dès octobre et sera visible dans les chiffres de l'inflation dès novembre". L'expert souligne que les hausses de loyers deviendront le principal moteur du renchérissement, qui devrait dépasser à nouveau le seuil des 2%, avant de redescendre sous cette barre début 2024.

"Il est trop tôt pour siffler la fin de l'alerte", a ajouté M. Stucki de la SGKB, pour qui, également, l'inflation remontera à 2% début 2024, lorsque les loyers et les prix de l'électricité seront pris en compte.

Inflation domestique

Le mois dernier, les prix des produits indigènes ont grimpé de 2,2% quand ceux importés de l'étranger ont reculé de 0,3%. Ce qui fait dire à la banque privée Pictet que "malgré la hausse des prix dans le domaine de l'énergie importée, l'inflation domestique reste la principale source" de ce phénomène en Suisse. Et cela va se poursuivre dans les prochains temps, selon l'établissement qui anticipe un renchérissement de 2,1% en 2023 puis de 1,3% l'an prochain. L'établissement table sur un dernier relèvement à hauteur de 25 points de base de la part de la Banque nationale suisse cette année.

De son côté, Karsten Junius, chef économiste de la banque J. Safra Sarasin, juge les données plutôt réjouissantes. Entre juillet et août, l'inflation sous-jacente n'a grappillé que 0,2%, car les prix des services n'ont pas du tout augmenté. "Cela indique une pression salariale très faible et un bon ancrage des anticipations inflationnistes". L'expert ne voit donc pas de spirale prix-salaires pouvant conduire à une surchauffe économique et ne prévoit pas de nouvelle hausse des taux par la BNS en septembre.

L'an dernier, l'inflation s'est établie à 2,8% dans le pays. Le gardien du franc, qui a relevé ses taux afin de juguler l'augmentation des prix comme ses homologues de la zone euro et des Etats-Unis, table sur 2,2% cette année et en 2024, sous réserve d'un taux directeur inchangé.

ck/jh/fr/rq/al