SINTRA, Portugal, 3 juillet (Reuters) - Plusieurs responsables au sein de la Banque centrale européenne (BCE) réclament une revue des programmes d'assouplissement quantitatifs ("quantitave easing", QE) mis en place pendant près d'une décennie afin de relancer l'inflation, estimant que ces mesures ont été plus nocives qu'efficaces, ont indiqué des sources à Reuters.

Au moins six responsables de politique monétaire ont exprimé auprès de Reuters la nécessité de possibles changements dans le cadre opérationnel de la BCE qui prévoit des mesures "fortes et persistantes" lorsque les taux d'intérêts sont au plus bas.

Cette question devrait être discutée lors de la revue de la stratégie de la BCE, prévue de longue date et qui est sur le point de démarrer pour s'achever l'an prochain.

"Nous avons acheté milliards d'euros sur milliards d'euros d'actifs sans réussir à ramener l'inflation à sa cible", souligne une des sources. "Des années après, plus de 3.000 milliards d'euros de liquidités surnuméraires demeurent, donc ces mesures nous ont engagé pour des années".

La BCE a acheté environ 5.000 milliards d'euros d'obligations sur près de 10 ans, tout en proposant des prêts à taux nul aux banques de la zone euro.

Si le sujet semble moins prégnant maintenant que l'inflation est revenue près de la cible avec la hausse des taux d'intérêt, il a néanmoins été relancé par des récents commentaires de la Banque des règlements internationaux (BRI) qui a critiqué la semaine dernière les mesures d'assouplissement quantitatif.

"La BRI a déclenché une tempête ce weekend, et je trouve que l'institution a raison: nous devons réfléchir à la manière dont nous utilisons certains de nos outils", indique l'un des responsables interrogé par Reuters.

La BCE n'a pas souhaité faire de commentaires.

La BRI estime que les politiques monétaires ultra-accommodantes ont fait pression à la baisse sur les rendements et ont mené à des effets pervers, dont des prises de risques excessives et l'apparition de risques financiers.

"Ces risques n'ont pas été pleinement pris en compte au moment où les mesures ont été introduites pour la première fois", a déclaré la BRI dans un rapport.

Selon les sources, les banques centrales auraient pu à la place supporter une inflation inférieure à la cible car les coûts auraient été moindres que ceux des programmes d'assouplissement quantitatif.

RÉPONSE APPROPRIÉE ?

La BCE a mis fin à son programme d'achats d'actifs et à ses opérations ciblées de refinancement (TLTRO) en 2022 et réduit depuis l'an dernier ses avoirs obligataires.

Mais 3.000 milliards d'euros de liquidités excédentaires demeurent dans le système, même après une série de fortes hausses des taux d'intérêt et il pourrait falloir encore cinq ans avant que ces liquidités ne soient pleinement absorbées.

Toutes les sources consultées par Reuters estiment que les achats d'actifs sont justifiés en cas de choc, comme lors de la pandémie de COVID-19 lorsque la BCE a lancé un programme d'urgence dédié, le PEPP.

Certains d'entre eux justifient également la politique ultra-accommodante menée durant une décennie, estimant qu'il s'agissait alors d'une réponse appropriée étant donné les informations disponibles à l'époque pour éviter une déflation néfaste pour l'économie.

Toutefois, d'autres estiment que des actifs d'actifs ne doivent pas être mis en oeuvre dans une telle ampleur et sur une période aussi longue, notamment lorsqu'il s'agit de régler un problème structurel qui dépend plus des politiques budgétaires des gouvernements que de la politique monétaire de la BCE.

D'après les six sources interrogés par Reuters, la BCE devrait garder une approche symétrique pour sa cible d'inflation de 2%, mais certaines d'entre elles jugent que l'engagement à mettre en place des mesures "fortes et persistantes" lorsque les taux sont au plancher doit être supprimé.

"J'ai des doutes sur l'assouplissement quantitatif et ce depuis longtemps", a déclaré à Reuters le gouverneur de la banque centrale irlandaise, Gabriel Makhlouf.

"Je pense que le QE a joué un rôle positif en soutenant l'emploi durant les périodes de taux très faibles, mais je ne suis pas certain de son impact sur les prix des actifs, sur les richesses ou les inégalités, et si nous comprenons suffisamment bien les impacts du programme pour pouvoir déclarer qu'il a été, dans l'ensemble, positif", résume-t-il.

(Reportage Balazs Koranyi, version française Corentin Chappron, édité par Blandine Hénault)