* Une démission qui tombe au mauvais moment

* Un fort caractère et des accrochages avec les autres ministres

* Un sportif confirmé, boxeur à ses heures

PARIS, 19 mars (Reuters) - La démission de Jérôme Cahuzac, après l'ouverture d'une information judiciaire contre X le visant, prive le gouvernement français d'un ministre du Budget qui incarnait la volonté de remettre en ordre les finances publiques.

Elle intervient en outre à un mauvais moment, en pleine préparation du programme de stabilité que la France va soumettre le mois prochain à la Commission européenne en échange d'un délai d'un an pour ramener ses déficits sous 3% du produit intérieur brut.

La première illustration en sera le projet de budget 2014, dont les travaux de préparation viennent d'être lancés, pour lequel Jérôme Cahuzac s'était donné pour objectif de trouver au moins cinq milliards d'euros d'économies supplémentaires et six milliards de recettes nouvelles. (voir )

"Tous les crédits sont potentiellement visés. Il n'y a pas de ministère intouchable!", avait-il averti.

"Cela peut être douloureux, mais c'est nécessaire (...). Sans cet effort, notre pays perdrait le contrôle de ses finances. Il n'aurait plus les moyens d'investir pour sortir de la crise !".

Depuis son arrivée au Budget en mai, cet ancien chirurgien chargé de procéder à l'ablation du déficit public français en cinq ans s'est attelé à sa tâche sans états d'âme.

Sa capacité, rarement prise en défaut, de dire "non" aux demandes de crédits de ses collègues lui a rapidement valu des frictions avec plusieurs d'entre eux, notamment Aurélie Filippetti (Culture) et Cécile Duflot (Logement).

LE "MÉCHANT DU GOUVERNEMENT"

Son fort caractère et son ton parfois cassant ne le poussent pas naturellement à la diplomatie, au point que le quotidien Libération l'a baptisé en septembre "Le méchant du gouvernement".

Mais ils ont contribué à faire de lui en l'espace de quelques mois un chasseur de coûts des plus crédibles en même temps qu'un redoutable bretteur face à l'opposition de droite.

C'est avec la même détermination qu'il a fait face aux accusations lancées en décembre par Mediapart sur l'existence d'un compte bancaire à son nom dans une banque suisse, sur fond de divorce conflictuel avec sa femme.

Niant tout en bloc, il déclarait encore le week-end dernier via son avocat qu'il ne se laissait pas "impressionner" par de nouvelles informations du site internet selon laquelle l'enquête a validé un enregistrement accréditant la thèse de l'existence de ce compte en Suisse.

Mais l'annonce de l'ouverture d'une information judiciaire a fragilisé d'un coup sa position au gouvernement, François Hollande tranchant immédiatement en faveur de son remplacement par Bernard Cazeneuve.

Elu du Lot-et-Garonne, Jérôme Cahuzac était naturellement destiné au portefeuille du Budget après s'être spécialisé lors de ses années au Parlement dans l'analyse en profondeur des comptes publics.

Ce "strauss-kahnien" avait rejoint l'équipe de campagne de François Hollande après le retrait de l'ancien directeur général du FMI de la course à l'Elysée à la suite d'un scandale sexuel à New York.

SPORTIF CONFIRMÉ

Agé de 60 ans et père de trois enfants, il est né à Talence, en Gironde, et a fait ses études à Paris. Devenu docteur en médecine, il a longtemps exercé avec son épouse, également médecin, dans une clinique spécialisée dans le cuir chevelu et l'implantation capillaire.

Chef de clinique à la faculté de médecine, il fut conseiller technique de 1988 à 1991 auprès de Claude Evin, chargé des Affaires sociales des gouvernements de Michel Rocard, et jouera un rôle de premier plan dans la préparation de loi encadrant la publicité sur l'alcool et le tabac qui porte le nom du ministre.

Il fait ensuite partie de l'équipe de Lionel Jospin pour la présidentielle de 1995, où il s'occupe des problèmes de santé.

En 1997, il est élu député en Lot-et-Garonne. Battu en 2002, il retrouve son siège en 2007.

A l'Assemblée, il devient vite un des piliers de la commission des Finances et en février 2010, le groupe PS le désigne pour la présider en remplacement de Didier Migaud, nommé premier président de la Cour des comptes.

Sportif confirmé, il pratique tennis, ski de fond et chasse sous-marine, sans oublier la boxe et le vélo. Il a gravi l'été dernier les pentes du redoutable Mont Ventoux et a couru à deux reprises le marathon de New York.

En avril 2011, en visite dans un quartier difficile de sa ville, il avait calmé d'une "gauche" bien ajustée un jeune qui l'avait insulté. (Yann Le Guernigou, Jean-Baptiste Vey et Emile Picy, édité par Sophie Louet)