Paris (awp/afp) - Jean-Charles Naouri, le PDG de Casino, a été placé en garde à vue jeudi dans le cadre d'une enquête pour manipulation de cours et délit d'initié, alors que son groupe en difficulté financière doit renégocier sa dette avec ses créanciers afin d'assurer son avenir.

M. Naouri, inspecteur des Finances et normalien âgé de 74 ans, est auditionné par la Brigade financière, a-t-on appris de source proche du dossier, confirmant une information du JDD.

Contactée, l'avocate de M. Naouri, Me Marie-Alix Canu-Bernard, n'a pas donné suite. Sollicité, Me Sébastien Schapira, qui le représente également, n'était pas joignable dans l'immédiat.

Le groupe Casino, sollicité aussi par l'AFP, n'a pas fait de commentaire.

Le cours de son action a touché son plus bas niveau historique à la clôture de la Bourse de Paris jeudi, tombant à 5,05 euros, après avoir perdu 9,43% sur la séance et 48,31% depuis le début de l'année.

"Ancien consultant du groupe"

Cette garde à vue s'inscrit dans le cadre d'une enquête visant Casino depuis le 5 février 2020 des faits de "manipulation de cours en bande organisée, corruption privée active et passive" et "délit d'initié commis courant 2018 et 2019", avait indiqué en mars le Parquet national financier (PNF) à l'AFP.

Le PNF avait précisé que l'enquête, qui fait suite à un signalement de l'Autorité des marchés financiers (AMF), a trait au cours de Bourse de la société "durant cette période".

En mai 2022, des enquêteurs de l'AMF s'étaient rendus au siège du groupe ainsi qu'au domicile de M. Naouri.

Dans sa récente documentation financière, Casino indique que cette enquête "dériv(e) d'une instance engagée à l'encontre d'un ancien consultant du groupe Casino" et précise que le groupe comme "les dirigeants concernés contestent formellement ces allégations et ont engagé tous les recours nécessaires".

Selon deux sources proches du dossier, cette enquête concerne les liens de M. Naouri et du groupe Casino avec le patron de presse Nicolas Miguet.

Cet homme d'affaires, également connu pour sa carrière politique comme dirigeant du parti Rassemblement des contribuables français, a été condamné à plusieurs reprises par l'AMF, notamment pour faits de manipulation de cours.

Selon plusieurs médias, les enquêteurs suspectent une possible collusion entre Casino et M. Miguet, qui aurait pu être payé par Casino pour défendre son cours de Bourse.

Conciliation sur la dette

La garde à vue de M. Naouri survient alors que le groupe, qui n'arrive pas à réduire suffisamment son important endettement, est entré vendredi en procédure de conciliation.

Cette procédure amiable, décidée par le Tribunal de commerce de Paris, doit permettre à l'entreprise, endettée à hauteur de 6,4 milliards d'euros à fin 2022, de conclure un accord avec ses créanciers en vue d'une potentielle restructuration de sa dette.

Casino emploie plus de 50.000 personnes en France et 200.000 dans le monde sous de nombreuses enseignes, dont Monoprix, Franprix ou Pao de Acucar au Brésil. En France, il est puissant en Ile-de-France, en Provence-Alpes-Côte d'Azur et en Rhône-Alpes.

Il suscite des convoitises de la part du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky ainsi que du groupe de distribution Teract, dont l'actionnaire majoritaire est le géant de l'agroalimentaire InVivo.

Le premier, déjà actionnaire à hauteur de 10% de Casino, a proposé le 24 avril d'injecter 750 millions d'euros dans le groupe via une augmentation de capital de plus d'un milliard d'euros.

Le second, surtout présent aujourd'hui dans le secteur de la jardinerie (Gamm Vert, Jardiland...), est entré il y a plusieurs mois en discussions avec Casino pour intégrer l'activité française du distributeur. Le directeur général de Teract, Moez-Alexandre Zouari, a tendu la main à M. Kretinsky et appelé à travailler de concert au chevet du distributeur.

Ces convoitises pourraient en tout cas se traduire à terme par la perte de contrôle de Casino par M. Naouri, premier actionnaire depuis 1992 et PDG depuis 2005. M. Kretinsky avait toutefois précisé dans une interview au Point que le dirigeant historique "pourrait conserver une place éminente" au sein du groupe si son opération était menée à son terme.

De son côté, M. Naouri a fait modifier récemment les statuts de Rallye, société par laquelle il contrôle Casino, pour repousser l'âge limite de sa présidence de 75 à 78 ans.

afp/rp