Zurich (awp) - La Banque nationale suisse a surpris les marchés jeudi en relevant de 50 points de base son principal taux directeur, à -0,25%. Souhaitant éviter une accélération de l'inflation au-delà de la plage assimilée à la stabilité des prix, l'institut d'émission n'exclut pas dans son examen périodique de politique monétaire de procéder dans un avenir proche à de nouvelles hausses.

La BNS emboîte le pas à son homologue américaine et surtout précède la Banque centrale européenne (BCE). La Réserve fédérale (Fed) a procédé mercredi soir à la plus forte augmentation de ses taux depuis 1994, de 75 points de base.

La lutte contre l'inflation prend ainsi le pas sur celle contre le renchérissement du franc, qui avait amené la BNS à maintenir depuis janvier 2015 et l'abandon à la surprise générale du taux plancher son taux directeur à -0,75%. Le nouveau taux sera appliqué dès ce vendredi, 17 juin. L'institution juge au passage que le franc n'est plus valorisé à un niveau élevé.

Empêcher l'inflation de s'installer

La décision repose sur la constatation que l'inflation s'étend désormais à des biens et des services non directement touchés par la guerre en Ukraine ou les séquelles de la pandémie, a expliqué en conférence de presse le président de la direction générale, Thomas Jordan.

Le banquier central en chef souligne que des effets secondaires risquent de se manifester en cas de persistance d'une inflation supérieure aux 2% fixés comme plafond pour la stabilité des prix.

Les prévisions en matière de renchérissement pour l'année en cours et les deux suivantes ont d'ailleurs été revues à la hausse. La BNS table désormais sur une inflation de 2,8% pour 2022, contre 2,1% jusqu'ici.

L'augmentation des prix doit par la suite s'établir à 1,9% en 2023 (0,9% précédement), puis 1,6% en 2024 (0,9%) "Sans le relèvement de taux décidé aujourd'hui, la prévision d'inflation serait nettement plus élevée", précise l'institution.

Décision inattendue, mais justifiée

"La BNS a brûlé la priorité à la BCE!", s'extasie dans un commentaire David Oxley, de Capital Economics. La banque centrale helvétique maintient ainsi un niveau d'excitation élevé sur les marchés, déjà alimenté par le bond de 75 points de base imprimé par la Fed à son propre taux directeur et à la réunion d'urgence de son homologue du Vieux Continent la veille, poursuit l'expert.

Karsten Junius, de J. Safra Sarasin note que l'ampleur de la hausse s'avère encore plus importante que ses attentes les plus débridées, laissant augurer de la nécessité de procéder bientôt et à plusieurs reprises à de tels ajustements pour juguler l'inflation. L'économiste de l'établissement bâlois salue au passage une décision justifiée et qui témoigne de l'indépendance de la BNS par rapport à la BCE.

L'association de l'industrie suisse des machines, des équipements électriques et des métaux (Swissmem) estime que les conséquences de la hausse de taux de la BNS devraient être "supportables pour la plupart des entreprises".

Elle salue le fait que la BNS reste prête à intervenir sur le marché des changes afin d'éviter une trop forte appréciation du franc, mais insiste sur la nécessité de "prévenir une pérennisation de l'inflation et une spirale salaires/prix"

L'Association suisse des banquiers (ASB) estime pour sa part que "la BNS donne un signal important et juste pour l'économie", mais ne s'attend pas à des changements immédiats sur les marchés hypothécaire et immobilier, compte tenu du "contexte économique très volatil".

La place financière helvétique a accusé le coup de ces surprises. Après une chute abprupte sur le coup de 09h30, le Swiss Market Index (SMI) a poursuivi une évolution latérale, clôturant en baisse de 2,86% à 10'475,37 points, son plus bas niveau depuis mars 2021.

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