Le cours de l'action Nvidia a atteint un niveau record jeudi, grimpant jusqu'à plus de 6% au lendemain de la publication des résultats trimestriels du groupe, soutenus par la demande en puces destinées à l'intelligence artificielle (IA).

Le rachat d'actions de Nvidia, le cinquième plus important des sociétés américaines en 2023, selon EPFR, a en revanche surpris certains investisseurs.

Les entreprises rachètent généralement leurs actions afin de restituer du capital aux actionnaires, et les rachats peuvent soutenir les cours en réduisant l'offre et en augmentant la demande, tout en soutenant le bénéfice par action, une mesure très suivie.

Mais alors que les actionnaires considèrent les rachats d'actions comme un signe encourageant lorsque le cours est bon marché, l'action de Nvidia a pris presque 220% en 2023.

"C'est un peu déconcertant", estime King Lip, stratège en chef chez Baker Avenue Wealth Management, qui gère 2,5 milliards de dollars d'actifs et compte Nvidia parmi ses dix principales positions.

"En tant qu'actionnaires, nous apprécions les rachats d'actions, mais pour une société comme Nvidia qui connaît une croissance aussi rapide, nous préférerions voir ses bénéfices réinvestis", a ajouté King Lip.

Contrairement aux entreprises dont les performances financières croissent peu et qui se tournent vers les rachats d'actions pour augmenter leur bénéfice par action, l'annonce de Nvidia "est une surprise" étant donné qu'il s'agit d'un "groupe technologique à forte croissance", ajoute Daniel Morgan, gestionnaire de portefeuille senior chez Synovus Trust, qui possède des actions Nvidia.

"Le message semble être que la direction (de Nvidia) pense que son action est sous-valorisée", a déclaré Daniel Morgan.

GÉNÉRER DES LIQUIDITÉS

Pour certains investisseurs, que Nvidia soit "sous-valorisé" est un message difficile à digérer: selon Refinitiv Datastream, l'action de Nvidia se négociait mercredi à 45 fois les bénéfices prévisionnels sur 12 mois, contre 19 fois pour l'ensemble de l'indice S&P 500.

"Historiquement, on apprécie qu'une entreprise soit capable de racheter ses actions lorsqu'elles sont en berne, mais je ne pense pas que l'on puisse affirmer que ce soit le cas de Nvidia actuellement", juge Tom Plumb, PDG et gestionnaire de portefeuille principal de Plumb Funds, dont l'une des principales positions est Nvidia.

Toutefois, selon Tom Plumb, Nvidia pourrait avoir du mal à déployer autrement ses ressources financières, après que son accord pour acheter le concepteur de semi-conducteurs Arm a échoué l'année dernière.

"La société génère des quantités incroyables de liquidités, bien plus que ce dont elle a besoin pour sa stratégie d'investissement actuelle, et il lui est interdit d'acheter des entreprises complémentaires importantes. Que peut elle donc faire de son argent ?", s'interroge Tom Plumb.

Nvidia a consacré environ 27% de son chiffre d'affaires à la recherche et au développement l'année dernière, en ligne avec les pratiques du secteur. L'entreprise n'a pas répondu immédiatement à une demande de commentaire.

Lors de la publication de ses résultats du deuxième trimestre, mercredi, Nvidia a déclaré que son conseil d'administration avait approuvé 25 milliards de dollars de rachats d'actions supplémentaires "sans date limite" et que l'entreprise prévoyait de poursuivre ses rachats au cours de l'exercice fiscal. Malgré le montant du rachat, celui-ci ne représentait que 2,1% de la capitalisation du groupe, de près de 1.200 milliards de dollars, à la date de mercredi. Selon Howard Silverblatt, analyste indices chez S&P Dow Jones Indices, ce chiffre est inférieur au montant moyen de 2,58% pour l'ensemble du S&P 500.

Plusieurs autres grandes entreprises technologiques et de croissance ont annoncé des rachats encore plus importants cette année : Apple a annoncé un rachat de 90 milliards de dollars, Alphabet de 70 milliards de dollars et Meta Platforms de 40 milliards de dollars.

Les entreprises technologiques ont tendance à préférer utiliser leurs liquidités pour des rachats d'action plutôt que pour le versement de dividendes, car "si elles doivent payer un dividende tous les trimestres, cela peut entraver leur capacité à profiter des opportunités de croissance", explique Daniel Klausner, responsable du conseil en actions cotées aux États-Unis chez Houlihan Lokey.

Certains investisseurs ont de fait salué la décision de rachat d'actions de Nvidia.

"C'est une preuve de confiance", a déclaré Francisco Bido, gestionnaire de portefeuille senior pour le fonds grandes capitalisations de F/M Investments, qui détient des actions Nvidia. "S'ils avaient eu un meilleur moyen d'utiliser leurs liquidités, je suis presque sûr qu'ils l'auraient fait.

 

(Reportage Lewis Krauskopf, Chibuike Oguh et Lance Tupper à New York, reportage additionnel Echo Wang à New York et Stephen Nellis à San Francisco, version française Corentin Chappron, édité par Kate Entringer)

par Lewis Krauskopf, Chibuike Oguh et Lance Tupper