Dans un communiqué, le conseil d'administration de Renault a "pris acte" de la démission de celui qui fut sans interruption directeur général de Renault depuis 2005, et PDG depuis 2009, plus de deux mois après son arrestation au Japon sur des accusations de malversations financières.

"Je mesure, vous vous en doutez, l'importance de la tâche, et je suis très honoré (...) de rejoindre un groupe dont la résonance en France et dans le monde n'est plus à faire", a déclaré Jean-Dominique Senard lors d'une conférence de presse, au siège de Renault, au côté de Thierry Bolloré.

Le conseil de Renault a fixé deux priorités à Dominique Senard, qui prend ses nouvelles fonctions immédiatement tout en conservant la présidence de Michelin jusqu'à l'échéance normale de son mandat en mai prochain.

Il devra d'abord proposer au conseil dans les semaines qui viennent une nouvelle gouvernance du constructeur français.

Il aura également la "pleine responsabilité" du pilotage de l'alliance pour le compte de Renault, en liaison avec le directeur général. A ce titre, il sera l'interlocuteur principal de Nissan et des autres partenaires "pour toute discussion sur l'organisation et l'évolution de l'alliance".

"Il y aura une deuxième tâche essentielle, qui sera de m'engager très rapidement dans les discussions qui ont lieu aujourd'hui dans l'alliance, avec nos partenaires de Nissan et de Mitsubishi", a souligné Jean-Dominique Senard, ajoutant que Renault et l'alliance devaient retrouver "une forme de sérénité après les évènements particulièrement extraordinaires que nous venons de vivre."

L'Etat français, principal actionnaire du constructeur automobile français, a salué par la voix de Bruno le Maire l'annonce du nouveau binôme.

"L'alliance Renault-Nissan a besoin d’une gouvernance solide et stable pour relever les défis de la double révolution technologique de l’industrie automobile: celle des batteries et moteurs électriques mais aussi celle des véhicules autonomes", a dit le ministre de l'Economie dans un tweet.

UNE "NOUVELLE PAGE"

"Une nouvelle page de l'histoire de Renault s'ouvre (...) L'alliance Renault-Nissan doit rester le numéro 1 mondial et continuer à faire la fierté de ses salariés", a-t-il ajouté.

Renault et son partenariat franco-japonais ont été ébranlés par la chute brutale de l'artisan et homme fort de l'alliance, toujours incarcéré au Japon. Jean-Dominique Senard a rendu hommage à ses prédécesseurs, mais sans jamais citer le nom de Carlos Ghosn.

"Ce groupe a été porté au niveau où il est aujourd'hui, c'est-à-dire au niveau mondial, par tous les dirigeants de Renault dans le passé, les uns après les autres", a-t-il déclaré.

Thierry Bolloré, 55 ans, a pour sa part été à nouveau promu. Directeur général adjoint depuis début 2018, il avait été nommé directeur général délégué par intérim après l'arrestation de Carlos Ghosn, assurant depuis la continuité opérationnelle du constructeur.

Entré chez Renault en 2012 après avoir commencé sa carrière chez Michelin, il a déclaré dans une brève allocution qu'il avait déjà commencé à travailler avec le nouveau président de Renault sur les sujets du groupe et de l'alliance dès jeudi matin.

Le directeur général de Nissan, Hiroto Saikawa, a déclaré lors d'une conférence de presse au Japon qu'il espérait que ces nominations permettraient d'ouvrir un nouveau chapitre dans les relations entre le constructeur japonais et Renault, qu'il a jugées parfois difficiles dans le passé.

A 16h44, le titre Renault progressait de 1,08% à 58,03 euros, après avoir touché vers midi 58,60 euros, son plus haut niveau depuis le 13 décembre dernier.

Parmi les autres sujets en suspens, Renault doit encore finaliser la question des indemnités dues à Carlos Ghosn, que le syndicat CGT estime à 25-28 millions d'euros en plus d'une retraite annuelle de 800.000 euros. Le parachute doré du PDG déchu s'annonce politiquement explosif en France dans le contexte du mouvement social des Gilets jaunes.

"On ne peut pas rajouter de l'indécence à l'indécence de sommes mirobolantes", a déclaré jeudi sur Franceinfo Fabien Gache, délégué central CGT chez Renault.

Pour se démarquer des polémiques qui ont ponctué la carrière de Carlos Ghosn sur le niveau de sa rémunération, Jean-Dominique Senard a d'ores et déjà indiqué qu'une diminution de sa rémunération chez Michelin s'appliquerait pendant la période d'exercice simultané de ses deux mandats.

(Avec Jean-Baptiste Vey, édité par Jean-Michel Bélot)

par Gilles Guillaume et Laurence Frost