(Répétition sans changement de notre dépêche diffusée dimanche)

par Laurence Frost et Maki Shiraki

PARIS/TOKYO, 26 novembre (Reuters) - Des hauts responsables de Renault-Nissan vont tenter cette semaine d'éviter qu'une lutte de pouvoir mortifère entre les deux constructeurs ne menace leur coopération, après l'arrestation du PDG de l'alliance, Carlos Ghosn, accusé au Japon de fraude fiscale et de détournement de fonds.

Des dirigeants des deux constructeurs et de leur partenaire Mitsubishi doivent se retrouver en milieu de semaine à Amsterdam, dans le cadre de comités opérationnels qui étaient déjà prévus avant l'arrestation de Carlos Ghosn le 19 novembre dernier, ont confirmé les groupes.

"Il n'y a pas de changement dans notre relation concernant l'alliance", a déclaré un porte-parole de Mitsubishi.

Alors que Nissan et son actionnaire à 43,4% Renault ont assuré qu'ils feraient tout pour préserver l'alliance, le directeur général du constructeur japonais, Hiroto Saikawa, qui a remplacé prestement Carlos Ghosn pour assurer son intérim à la présidence du groupe, a estimé que l'alliance ne devait plus à l'avenir être dominée par Renault.

Selon la NHK, Carlos Ghosn, 64 ans, et son ex-bras droit chez Nissan et complice présumé, Greg Kelly, ont rejeté les accusations selon lesquelles ils auraient tenté de dissimuler au fisc une partie des revenus du dirigeant franco-libanais et qu'il aurait détourné des fonds pour un usage personnel.

Le conseil d'administration de Renault s'est abstenu pour sa part mardi de démettre officiellement Carlos Ghosn de ses fonctions de PDG du groupe français et a choisi de nommer un tandem composé de Thierry Bolloré et de Philippe Lagayette pour assurer l'intérim.

En coulisse, des divergences importantes sont apparues sur les droits accordés à Renault dans le cadre des accords portant sur l'alliance entre les deux groupes, ont déclaré des sources proches du dossier à Reuters.

Nissan, le partenaire le plus puissant en terme de ventes, a de nouveau appelé Renault à renoncer à sa participation de contrôle sur le groupe japonais.

Après l'éviction le 22 novembre de Carlos Ghosn du conseil de Nissan, Renault a informé Hiroto Saikawa qu'il prévoyait de nommer un quatrième administrateur, s'appuyant sur les termes de l'accord de 2002 sur l'alliance.

Dans sa réponse officielle, le DG de Nissan a contesté ce droit à Renault. Le groupe français dispose actuellement de trois administrateurs au conseil de Nissan, dont Carlos Ghosn, dont le mandat de président ne peut être révoqué qu'en assemblée générale.

PRESSION DES INVESTISSEURS

Bruno Le Maire, le ministre français de l'Economie et des Finances, est revenu dimanche sur la question de l'alliance, appelant une nouvelle fois à ce que les charges qui pèsent sur Carlos Ghosn soient rapidement communiquées au gouvernement français et à Renault.

Il a réaffirmé son souhait de voir l'alliance se renforcer "en respectant les participations croisées telles qu'elles sont aujourd'hui", à savoir la part de 43,4% de Renault dans Nissan, qui ne possède en contrepartie que 15% du capital de Renault sans droits de vote.

Il est aussi "préférable" que les règles de gouvernance, qui prévoient que le président de l'Alliance est aussi celui de Renault, "ne changent pas", a-t-il encore dit.

Les velléités d'indépendance d'Hiroto Saikawae sont toutefois encouragées par certains actionnaires, qui souhaitent que la décote du titre Nissan liée à la participation de contrôle de Renault soit levée.

"La relation entre Nissan et Renault doit être rééquilibrée", observe dimanche Arndt Ellinghorst, analyste chez Evercore. "Nous appelons Renault à ramener sa participation dans Nissan (...) à environ 25% et à en utiliser le produit pour racheter ses propres titres."

Jeudi, lors de la réunion du conseil de Nissan, les administrateurs de Renault ont eux aussi voté en faveur de l'éviction de Carlos Ghosn. Ils ont pris cette décision après avoir consulté une note interne de 400 pages, sans pouvoir partager cette information, y compris avec les dirigeants du constructeur français, a-t-on appris de sources proches du dossier.

La réunion d'Amsterdam devrait permettre à Thierry Bolloré et à Hiroto Saikawa de se retrouver face-à-face pour la première fois depuis l'arrestation de Carlos Ghosn, ont indiqué des sources proches des deux groupes.

"Ce sont des réunions purement opérationnelles", a toutefois précisé un responsable de Renault.

Chacun des trois membres de l'alliance a tenu à souligner que la coopération au sein de l'alliance se poursuivait normalement.

Nissan a toutefois annulé le lancement le 28 novembre à Yokohama et à Amsterdam d'une nouvelle version hautement performante de sa voiture électrique, la Leaf.

Un porte-parole de Nissan n'a fourni aucune explication à ce report et a déclaré que la société n'avait pas encore fixé de nouvelle date pour cette annonce. (Version française Jean-Michel Bélot, avec la contribution de Yann Le Guernigou)

Valeurs citées dans l'article : Nissan Motor Co Ltd, MITSUBISHI MOTORS CORPORATION, Renault