BERLIN (awp/afp) - Après la polémique autour du gazoduc Nord-Stream II, l'Allemagne se retrouve à nouveau sous les critiques sur les sanctions contre la Russie, en raison de son refus d'exclure Moscou d'un rouage clé de la finance mondiale, Swift.

Alors que tout ses partenaires européens semblent avoir finalement accepté cette mesure radicale en représailles de l'invasion de l'Ukraine, Berlin hésite toujours, craignant pour ses approvisionnements en gaz et charbon russes.

Le Premier ministre Polonais Mateusz Morawiecki, en visite samedi à Berlin, a qualifié "d'égoïsme en béton" l'attitude de l'Allemagne concernant cette plateforme d'échanges interbancaires.

"Je suis venu ici, chez le chancelier Olaf Scholz, pour ébranler les consciences, ébranler la conscience de l'Allemagne", a-t-il asséné.

En pleine bataille pour la prise de contrôle de Kiev, le président ukrainien Volodimir Zelensky a lui aussi exhorté samedi Berlin à avoir le "courage" de bloquer l'accès de la Russie à Swift.

"Quasiment tous les pays de l'UE sont déjà pour l'exclusion de la Russie de Swift", a affirmé M. Zelensky.

Approvisionnement

Swift est l'un des plus importants réseaux de messagerie bancaire et financière. Il permet les règlements interbancaires entre les établissements du monde entier et évite par exemple à l'Allemagne d'avoir à payer son gaz russe en liquide.

Exclure un pays de ce système est considéré comme une "arme atomique", en matière financière. Car débrancher un Etat de Swift, c'est aussi empêcher ses propres banques de faire des transactions avec les banques du pays puni.

Du coup, l'Allemagne, qui importe plus de la moitié (55%) de son gaz depuis la Russie, est très sceptique et craint de ne plus pouvoir régler ses paiements d'énergie.

La suspension de Swift "signifierait qu'il y a un risque élevé que l'Allemagne ne soit plus approvisionnée en gaz, en matière premières" de Russie), a ainsi affirmé cette semaine le ministre des Finances Christian Lindner.

Berlin juge aussi que la mesure risque d'être inefficace, Moscou ayant tissé en parallèle des liens étroits avec la Chine notamment.

"Je crains que M. Poutine n'ait depuis longtemps mis en place une alternative à ce système Swift", a ajouté le ministre.

Volte-face

Des arguments qui ne convainquent pas et agacent nombre de de partenaires européens de Berlin. D'autant que plusieurs pays, eux-aussi fortement dépendants des hydrocarbures russes et d'abord sceptiques, ont finalement sauté le pas ces derniers jours.

Vendredi, le chancelier autrichien Karl Nehammer a ainsi fait volte-face. Après avoir qualifié la mesure "de pas très efficace", il plaide désormais "en faveur d'une exclusion de la Russie de Swift".

Le chef du gouvernement italien Mario Draghi a lui promis samedi au président ukrainien son plein soutien aux sanctions "y compris celles concernant Swift".

Et le gouvernement hongrois, initialement présenté comme hostile, a fermement démenti samedi s'être opposé à une exclusion de la Russie du système Swift, son ministre des Affaires étrangères Peter Szijjarto parlant même de "fake news" sur son compte Facebook.

"Nous ne nous sommes jamais prononcés contre une proposition de sanction, nous n'avons rien bloqué", a-t-il assuré.

Désormais, l'Allemagne paraît bien seule, alors qu'elle pensait avoir éteint les polémiques autour de sa dépendance envers la Russie et sa trop grande complaisance à l'égard du Kremlin en suspendant le gazoduc germano-russe Nord Stream II, dans le collimateur de Kiev, des Etats-Unis et des partenaires d'Europe de l'Est.

Pour répondre aux critiques, Berlin tente d'afficher sa solidarité avec le reste de l'Otan. Le gouvernement a annoncé vendredi l'envoi d'une compagnie de son armée en Slovaquie, pays frontalier de l'Ukraine.

Il a aussi dépêché un navire de reconnaissance dans la mer Baltique, envisage d'envoyer des batteries de missiles air-sol Patriot sur le flanc oriental et prévoit enfin le déploiement de 350 soldats en renfort dans le cadre de la mission de l'OTAN que l'Allemagne commande en Lituanie.

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