Francfort (awp/afp) - Signe de la violence du choc économique, la pandémie de coronavirus devrait amputer en 2020 les recettes fiscales allemandes de près de 100 milliards d'euros, et peser sur les caisses publiques au moins jusqu'en 2024.

Cette année, comparé à la prévision d'octobre dernier, les rentrées d'impôts seront "98,6 milliards d'euros plus faibles qu'attendu" et devraient s'établir à 717,8 milliards, a annoncé jeudi le ministre des Finances Olaf Scholz.

Le manque à gagner devrait notamment être de 44 milliards pour l'Etat fédéral, 35 milliards pour les Etats-régions et 15,6 milliards d'euros pour les communes.

Au total, pour la période 2020-2024, la perte de recettes fiscales devrait atteindre 316 milliards d'euros, estime le ministère.

Il ne s'agit pourtant que d'une "représentation du moment et l'évolution de la pandémie ne peut pas être sérieusement prédite", a mis en garde M. Scholz lors d'une conférence de presse.

Les recettes fiscales de la première économie européenne, qui s'élevaient à 799,3 milliards d'euros en 2019, baisseront ainsi cette année pour la première fois depuis 2009, au plus fort de la crise financière.

Si les rentrées d'impôts doivent repartir à la hausse dès 2021, elles resteront inférieures à celles anticipées précédemment, avec plus de 50 milliards d'euros de moins qu'attendu annuellement en 2021, 2022, 2023 et 2024, dernière année pour laquelle le ministère a publié ses calculs.

"Nous avons pris toute une série de mesures pour soutenir les entreprises et l'emploi", a noté M. Scholz. "Tous ces mesures étaient les bonnes ... et bien évidemment elles ont un impact sur les recettes fiscales."

"Je crains que l'estimation présentée aujourd'hui ne soit encore trop optimiste, car une reprise économique rapide et significative devient de plus en plus irréaliste", a commenté Marcel Fratzscher, président de l'institut économique DIW.

Pire que prévu

Pour le seul Etat fédéral, la baisse est déjà 7 milliards d'euros plus importante qu'attendu fin mars par le gouvernement. Pour compenser ce manque à gagner et financer de nouvelles dépenses destinées à soutenir l'économie face à la crise, Berlin a suspendu sa règle constitutionnelle limitant les déficits publics et prévu 156 milliards d'euros de nouveaux emprunts.

L'estimation intervient la veille de la publication du produit intérieur brut (PIB) du premier trimestre, attendu en baisse de plus de 2% en raison du virus, et "souligne que l'économie allemande se trouve dans une grave récession", note le ministre de l'Economie, Peter Altmaier, dans un communiqué.

Mais il ne s'agit que d'un avant-goût du choc infligé par la pandémie de Covid-19 à la première économie européenne: au deuxième trimestre, le PIB devrait s'effondrer de 10%, une chute inédite depuis le début des calculs il y a cinquante ans.

Pour 2020, le gouvernement allemand prévoit pour l'instant une récession historique de 6,3% sous l'effet des restrictions mises en place pour combattre la propagation du virus, qui ont mis à l'arrêt de vastes pans de l'économie mondiale.

Pour relancer l'économie, "nous allons présenter en juin un programme conjoncturel", a promis M. Scholz.

Certaines voix s'élèvent d'ores et déjà pour rappeler l'Etat à la rigueur et demander le respect des règles de non-endettement en réduisant les dépenses pas directement liées au coronavirus.

"Je ne pense pas qu'on puisse combattre une crise en faisant des économies", a riposté M. Scholz, interrogé sur un éventuel programme d'austérité pour assainir les comptes.

afp/rp