par Jason Lange et Ann Saphir

WASHINGTON/SAN FRANCISCO, 8 janvier (Reuters) - Les ouvertures de postes dépassent en nombre les demandeurs d'emploi dans trois des quatre grandes régions américaines, contraignant les employeurs à repenser leurs modes de recrutement et maintenant potentiellement la pression sur la Réserve fédérale pour qu'elle continue de relever ses taux d'intérêt en dépit du ralentissement de l'économie mondiale.

Le volume d'ouvertures de postes a d'abord dépassé le nombre des demandeurs d'emploi dans le MidWest au début 2017. Ces derniers mois, la situation s'est étendue à d'autres régions, notamment le Sud.

Le département du Travail a fait état mardi de 6,9 millions d'ouvertures de postes en novembre, un chiffre légèrement inférieur au total d'octobre mais toujours proche du record de 7,3 millions atteint au mois d'août.

Vendredi, le même ministère avait annoncé 312.000 créations d'emplois hors agriculture en décembre, le total le plus important depuis février.

Selon les économistes, le signe le plus tangible d'une pénurie de main-d'oeuvre serait une forte accélération de la croissance salariale. Or le salaire horaire a augmenté de 3,2% en décembre, un chiffre modéré au regard de la moyenne historique.

Le déséquilibre entre les ouvertures de postes et le nombre de demandeurs d'emploi s'explique probablement en partie par la facilité avec laquelle les annonces peuvent être mises en ligne. De plus, les personnes ne cherchant pas activement un emploi ne sont pas comptées parmi les demandeurs, ce qui peut aussi contribuer à surestimer les tensions sur le marché du travail.

Il reste que la conjonction d'une hausse des offres et d'une baisse du chômage à travers le pays dénote une tendance au resserrement du marché du travail.

"Si cela continue encore un ou deux ans, alors oui, bien sûr, il y aura des situations de pénurie de main-d'oeuvre", déclare Ryan Sweet, un économiste qui suit les tendances région par région pour Moody's Analytics.

En certains endroits, la pénurie se fait déjà sentir.

Shaw Industries, un fabricant de revêtements de sol basé à Dalton, en Georgie, a tellement de mal à recruter qu'il finance des programmes de formation dans des écoles pour aiguiller les lycéens vers les technologies qu'il utilise dans ses usines.

A l'inverse, à Flint, dans la banlieue de Detroit, l'équipementier automobile Lear a vu affluer 3.000 personnes à un événement organisé l'an dernier pour recruter 400 salariés pour sa nouvelle usine qui doit ouvrir en avril. "On n'en est pas revenu", a dit le directeur général Ray Scott.

Il y a eu en novembre près d'un million d'ouvertures de postes de plus que de demandeurs d'emploi. L'écart a été de 441.000 dans le MidWest, de 399.000 dans le Sud et de 56.000 dans le Nord-Est. Dans l'Ouest en revanche, le nombre de demandeurs a été supérieur de 138.000.

Trois des quatre régions sont en situation d'excès d'offres depuis le mois de juillet.

C'est dans le MidWest que la tendance est la plus forte, probablement à cause de la forte demande pour les biens manufacturés en 2017, mais celle-ci pourrait s'atténuer sensiblement cette année avec les effets du ralentissement économique mondial et de la guerre commerciale sino-américaine.

La Réserve fédérale se rapproche de la fin de son cycle de relèvement graduel des taux d'intérêt destiné à empêcher une surchauffe de l'économie.

Les banquiers centraux ignorent dans quelle proportion le ralentissement de l'économie mondiale impactera le marché du travail aux Etats-Unis. En tendance, le taux de chômage y est en baisse depuis près de dix ans et si la statistique de vendredi a montré une légère hausse en raison de la croissance de la population active, il reste proche d'un plus bas de 49 ans à 3,9%.

Même si les tensions sur le marché du travail tardent à avoir un impact sur l'inflation, il y a fort à parier que la Fed les mentionne dans son Livre beige sur l'activité économique qui sert de base de travail pour ses réunions.

"Cela renforce certainement les arguments pour que la Fed tente de stopper la tendance baissière du taux de chômage" afin de garder la maîtrise de l'inflation, dit Jim O'Sullivan, économiste chez High Frequency Economics.

(Véronique Tison pour le service français, édité par Marc Angrand)