par Andreas Rinke et Madeline Chambers

BERLIN, 26 février (Reuters) - Angela Merkel a présenté dimanche aux membres de son parti, l'Union chrétienne-démocrate (CDU), six membres de son gouvernement de coalition, avec la promotion de son plus farouche adversaire Jens Spahn, qui récupère le ministère de la Santé.

Affaiblie depuis les législatives de septembre et après des mois de négociations infructueuses avec les libéraux du FDP et les Écologistes, la chancelière doit faire taire les critiques au sein de son propre camp.

La CDU doit se prononcer lundi par un vote sur l'accord de gouvernement, dont l'avenir dépend aussi des membres du Parti social-démocrate (SPD).

Les 464.000 adhérents du SPD ont jusqu'au 2 mars pour se prononcer pour ou contre la reconduite de la grande coalition ("GroKo") avec le bloc conservateur.

Merkel a souligné avoir nommé autant de femmes que d'hommes, et procédé à un rajeunissement puisqu'elle est désormais la seule âgée de plus de 60 ans.

"C'était ma mission de choisir des personnes qui représentent l'avenir, avec un mélange d'expérience et de nouveaux visages", a déclaré la chancelière. "C'était tout sauf facile".

Jens Spahn, 37 ans, qui incarne l'aide droite de la CDU, passe de vice-ministre des Finances, poste qu'il occupait depuis 2015, à ministre de la Santé. Celui qui fut l'expert de la CDU en matière de santé ne cache pas son ambition de prendre à terme la tête du gouvernement.

Si cette promotion est présentée comme une réponse aux demandes d'un rajeunissement des cadres et de la direction de la CDU, elle traduit en réalité l'affaiblissement de Merkel, contrainte de ressusciter la "grande coalition" avec les sociaux démocrates du SPD.

Ces derniers, qui ont eux aussi atteint un plus bas historique en septembre, étaient tentés de retourner dans l'opposition et de mettre fin à l'expérience de partage du pouvoir entre 2013 et 2017.

La nomination de Spahn peut être également comprise comme un moyen pour la chef du gouvernement de proposer une trêve à son plus fervent adversaire au sein de la CDU, particulièrement critique sur la question de la politique migratoire.

"MÉLANGE CONVAINCANT"

"Jens Spahn n'est pas le seul à avoir émis des critiques, ce n'est pas un souci", a expliqué Merkel. "L'objectif est d'avoir un impact positif sur la situation en Allemagne. Je pense qu'il veut contribuer à cela, comme tous les autres membres du gouvernement."

Le chef d'un groupe représentant des PME au sein du bloc conservateur, réfractaire à une nouvelle grande coalition, s'est réjoui des choix annoncés par Merkel.

C'est "un mélange convaincant d'expérience et de personnes apportant une énergie nouvelle", a dit Carsten Linnemann aux journaux du groupe Funke.

"Il faut désormais se concentrer sur le contenu et s'assurer que le bloc conservateur pourra mener ses projets au sein de cette grande coalition", a-t-il ajouté.

Des dirigeants du CDU ont émis des critiques concernant les concessions faites par Merkel pour obtenir un accord de gouvernement avec le SPD, qui a obtenu le portefeuille des Finances et celui des Affaires étrangères. et

Comme attendu, la chancelière a choisi de confier l'Economie à son fidèle allié Peter Altmaier, tandis qu'Ursula von der Leyen conserve le ministère de la Défense.

La patronne de la CDU dans le Land de Rhénanie-Palatinat, Julia Klöckner, se voit proposer le portefeuille de l'Agriculture.

Anja Karliczek, 46 ans, récupère l'Education tandis que Helge Braun, 45 ans, est promue comme secrétaire générale de la chancellerie.

Après 12 années à la tête du gouvernement et 18 à la tête de la CDU, Angela Merkel voit son autorité contestée en interne, des voix s'élevant pour s'alarmer de la poussée de l'extrême droite, Alternative pour l'Allemagne (AfD), qui attire des électeurs conservateurs déçus.

La CDU a enregistré aux législatives son plus mauvais résultat électoral au niveau national depuis 1949 et la création de la république fédérale.

Certains dirigeants du parti souhaitent une réorientation de la politique à droite afin de ramener dans son giron les électeurs partis grossir les rangs de l'AfD.

"Parfois le caractère conservateur du bloc conservateur pourrait être plus affirmé", a commenté Daniel Günther, chef de file de la CDU dans le Land du Schleswig-Holstein. (Avec Thorsten Severin, Pierre Sérisier et Jean Terzian pour le service français)