par Alastair Macdonald et Gilbert Reilhac

BRUXELLES/STRASBOURG, 28 septembre (Reuters) - Les membres de la future Commission européenne, présidée par le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, vont être auditionnés à partir de lundi par les députés européens.

L'ancien Premier ministre luxembourgeois, présentant l'organigramme de son équipe, a affirmé que la future commission censée prendre ses fonctions le 1er novembre serait "politique, et non technocratique".

Mais l'attribution de certains portefeuilles passe mal auprès d'une partie des députés européens. C'est notamment le cas pour le Britannique Jonathan Hill et le Français Pierre Moscovici.

Désigné par le gouvernement britannique, Jonathan Hill, qui sera auditionné mercredi, s'est vu confier le poste de commissaire chargé de la Stabilité financière, des services financiers et de l'union des marchés de capitaux.

L'ancien ministre français de l'Economie, dont l'audition est programmée jeudi, récupère lui les Affaires économiques et financières, la fiscalité et les douanes.

Des élus allemands du parlement européen ont froncé les sourcils en découvrant l'attribution à l'ancien ministre français du poste chargé de la discipline budgétaire. Ils doutent de sa faculté à sanctionner si nécessaire son propre pays qui a annoncé début septembre que son déficit public serait en augmentation cette année, à 4,4% du PIB, et a repoussé de deux ans, à 2017, l'objectif de le ramener sous les 3%

CAS PERSONNELS

La gauche européenne s'inquiète quant à elle de la capacité de Jonathan Hill à réguler les excès de la City, le centre financier londonien. Un député a même parlé à son sujet de "renard dans le poulailler".

L'Espagnol Miguel Arias Canete, nommé à l'Energie et au changement climatique, passe très mal également auprès des écologistes qui lui reprochent d'être lié à l'industrie pétrolière. Il dit avoir revendu toutes ses parts dans ces entreprises et pourra s'en expliquer mercredi.

Le Hongrois Tibor Navracsics, chargé de l'Education, de la culture et de la citoyenneté, devra s'employer face à des eurodéputés inquiets du bilan de son parti, le Fidesz du Premier ministre hongrois Viktor Orban, en matière d'Etat de droit.

La Slovène Alenka Bratusek pose un cas particulier: l'ancienne chef de gouvernement est contestée dans son propre pays où elle a perdu les élections législatives en avril. Mais il semble difficile que le Parlement demande le départ de la vice-présidente chargée de l'Union énergétique alors qu'elle est l'une des neuf femmes - sur 28 membres - de la commission, loin de la parité un temps souhaitée par Juncker.

Les députés européens n'ont pas juridiquement la possibilité de rejeter individuellement un candidat. Mais ils peuvent refuser le 22 octobre prochain d'accorder l'investiture à la Commission tout entière et des avis négatifs lors des auditions ont par le passé déjà conduit à écarter plusieurs commissaires, comme l'Italien Rocco Buttiglione en 2004, écarté de la commission Barroso après avoir jugé que l'homosexualité était un péché.

QUESTIONS SUR LA STRUCTURE

La structure de la commission Juncker, avec sept vice-présidences transversales pilotant et coordonnant le travail de plusieurs commissaires "dans un esprit de collégialité" et "mutuellement dépendants les uns des autres", vise, selon l'ex-Premier ministre luxembourgeois, à "faire tomber les cloisons".

Mais cette architecture ne fait pas l'unanimité. Ses détracteurs redoutent qu'elle dilue les responsabilités des différents commissaires et qu'elle aboutisse à des "guerres de territoire".

Des députés européens se demandent ainsi comment les décisions seront prises dans un système où Pierre Moscovici, par exemple, dirigera la politique économique mais devra en référer, selon les sujets, à deux vice-présidents, le Finlandais Jyrki Katainen (emploi, croissance, investissement et compétitivité) et le Letton Valdis Dombrovskis (euro et dialogue social).

"C'est une organisation très étrange", estime le centriste français Jean Arthuis, président de la commission des affaires budgétaires du parlement européen, qui tique sur les effectifs insuffisants à ses yeux dont disposeront les vice-présidents.

Gianni Pittella, le président italien du groupe des eurodéputés Socialistes & démocrates (PDS), prévient que "des négociations sont toujours en cours sur la nouvelle structure institutionnelle que Juncker a proposée et sur le rôle des vice-présidents".

Son groupe s'oppose à ce que ces vice-présidents aient la capacité de bloquer le pouvoir de proposition accordé à chaque commissaire.

Les premiers commissaires soumis aux questions des parlementaires ce lundi seront le Maltais Karmenu Vella, chargé de l'Environnement, et la Suédoise Cecilia Malmstrom, nommée au Commerce.

Leurs auditions, prévues chacune pour durer trois heures, débuteront à 14h30 (12h30 GMT). Les 26 autres seront entendus d'ici au 7 octobre. (Henri-Pierre André pour le service français)