par Michelle Nichols

NATIONS UNIES, 18 septembre (Reuters) - Donald Trump est sans nul doute le néophyte dont le discours et l'attitude seront les plus observés cette semaine à l'Assemblée générale des Nations unies, mais le président américain ne va sans doute pas totalement éclipser sa représentante permanente à l'Onu, Nikki Haley.

A 45 ans, l'ancienne gouverneure de Caroline du Sud s'est imposée en quelques mois comme l'un des figures les plus en vue de l'administration Trump, au point d'incarner parfois davantage que le secrétaire d'Etat, Rex Tillerson, la politique étrangère des Etats-Unis.

"Nikki Haley fait un travail remarquable pour les Etats-Unis. Et on ne peut pas dire ça de beaucoup de gens dans l'administration Trump. C'est une personne très accessible et très volontaire sur le plan politique", souligne un diplomate européen s'exprimant sous le sceau de l'anonymat.

"Je la verrais bien prendre le dessus sur Tillerson à un moment où un autre. Il est clair que son objectif à long terme est de devenir présidente", ajoute-t-il.

Nikki Haley a démenti à plusieurs reprises toute ambition de remplacer Rex Tillerson au département d'Etat, notamment lorsque l'ancien PDG d'Exxon Mobil a affiché des divergences avec Donald Trump. Dimanche, elle a de nouveau clamé sur CNN son allégeance à l'actuel chef de la diplomatie, avec lequel elle entend, dit-elle, "continuer à travailler".

Il n'empêche que depuis son arrivée à l'Onu en janvier, où elle avait d'emblée promis de "prendre les noms" des alliés des Etats-Unis sur lesquels Washington ne peut pas compter, l'ex-gouverneure s'est montrée bien plus en ligne avec la politique internationale promue par la présidence.

Donald Trump est d'ailleurs très satisfait des prestations de Nikki Haley au Conseil de sécurité, une instance qu'il ne cessait de critiquer pendant la campagne électorale de l'an dernier, et il s'entretient régulièrement avec elle, dit-on à la Maison blanche.

Lors d'une réunion de son Conseil de sécurité nationale consacrée à l'Iran ce mois-ci, le président américain a ainsi demandé son avis à l'ambassadrice à l'Onu sur la stratégie à adopter. "Elle l'a donné et il a apprécié son point de vue", dit un haut responsable de l'administration.

FEMME DE CARACTÈRE

Nikki Haley a des résultats à faire valoir à son patron: en cinq semaines, elle est parvenue à deux reprises à convaincre les 15 membres du Conseil de sécurité d'adopter de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord, malgré les réticences initiales de la Chine et de la Russie.

Si son langage très direct détonne souvent dans le monde feutré de la diplomatie, elle n'en est pas moins suffisamment habile pour ne pas trop braquer les projecteurs sur elle au détriment de l'ancien animateur de télé-réalité.

"Je crois qu'il gifle les bonnes personnes, qu'il étreint les bonnes personnes et que les Etats-Unis en sortent beaucoup plus forts à la fin", a-t-elle dit vendredi de Donald Trump devant les journalistes accrédités à la Maison blanche.

Après le durcissement des sanctions contre la Corée du Nord il y a une semaine, Nikki Haley s'était déjà attachée à en attribuer tout le crédit au président, dont elle vanté la "relation forte" avec son homologue chinois Xi Jinping.

Pour Richard Gowan, chercheur au Conseil européen des relations internationales (ECFR), un centre de réflexion basé à Paris, la personnalité de Nikki Haley pourrait pourtant finir par faire de l'ombre à Donald Trump et inciter celui-ci à lui faire le "cadeau empoisonné" de la nommer secrétaire d'Etat.

"Elle perdrait l'indépendance dont elle bénéficie à New York et elle serait davantage soumise à l'agenda présidentiel. Mais c'est une offre qu'elle ne pourrait pas refuser. Il est assez paradoxal que le meilleur moyen pour Trump de neutraliser Haley soit de la promouvoir", estime-t-il.

Nikki Haley a déjà fait la preuve de son caractère par le passé, notamment lorsqu'en tant que gouverneure de Caroline du Sud, elle avait fait retirer de la pelouse du Capitole de l'Etat le drapeau conféré, considéré par beaucoup comme un symbole de l'esclavagisme, après le meurtre de neuf Noirs dans une église de Charleston.

Pendant la campagne présidentielle de l'an dernier, cette fille d'immigrés indiens avait aussi critiqué les diatribes de Donald Trump contre l'immigration et sa complaisance envers les suprémacistes blancs.

Depuis son arrivée à l'Onu, Nikki Haley a montré qu'elle n'avait rien perdu de sa pugnacité sur ces questions. Après la mort d'une militante antifasciste tuée par un nationaliste à Charlottesville le mois dernier, elle a affiché publiquement son désaccord avec Donald Trump, qui a renvoyé les deux camps dos-à-dos, disant avoir eu avec lui une "conversation privée" à ce sujet.

(Tangi Salaün pour le service français)