PARIS (Reuters) -La Première ministre, Elisabeth Borne, a dévoilé mardi le projet de réforme gouvernemental du système de retraites par répartition français, dont la mesure phare est le recul progressif de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans en 2030.

Emmanuel Macron, qui joue l'avenir de son second quinquennat sur ce test social, entend mener à bien la réforme pour rétablir les finances du régime sur le long terme, malgré des sondages d'opinion défavorables, l'opposition de la gauche et de l'extrême droite et un front syndical uni.

Le chef de l'Etat, qui avait annoncé son intention durant la campagne présidentielle de porter l'âge légal de départ à 65 ans en 2031, a finalement renoncé à cet ajustement décrié.

C'est "un moment de vérité", a souligné Elisabeth Borne lors d'une conférence de presse, ajoutant que les concertations menées depuis octobre avec les partenaires sociaux et les forces politiques avaient permis d'amender la mesure d'âge.

"Ce projet est meilleur qu'il n'était il y a six mois", a-t-elle estimé.

Dire que l'équilibre du régime "n'est plus assuré n'est pas une posture. C'est un constat. (...) Il y a une réalité que chacun connaît : le nombre de ceux qui cotisent pour les retraites diminue par rapport au nombre de retraités. C'est un fait, pas un argument politique", a-t-elle souligné.

Selon le ministère du Travail, le déficit du régime de retraites pourrait atteindre 13,5 milliards d'euros en 2030, puis 43,9 milliards en 2050.

L'âge légal de départ à la retraite sera progressivement relevé à compter du 1er septembre prochain, à raison de trois mois par année de naissance. "Il sera ainsi fixé à 63 ans et 3 mois en 2027, puis atteindra la cible de 64 ans en 2030", indique un document de synthèse gouvernemental.

17,7 MILLIARDS DE RECETTES

Ce report de l'âge s'accompagnera d'une accélération de la mise en oeuvre de la loi dite "Touraine" de 2014 portant la durée de cotisation requise de 42 à 43 ans, dès 2027 et non 2035, pour obtenir une retraite à taux plein.

Les personnes partant à la retraite à 67 ans bénéficieront toujours automatiquement d'une retraite à taux plein, même si elles n'ont pas travaillé 43 ans.

Elisabeth Borne a déclaré que les retraités, actuels et à venir, bénéficieraient d'une revalorisation de leur pension.

"Les salariés et les indépendants, notamment les artisans et commerçants, qui ont cotisé toute leur vie avec des revenus autour du Smic, partiront désormais avec une pension de 85% du Smic net, soit une augmentation de 100 euros par mois", a-t-elle dit. Le minimum retraite serait ainsi de 1.200 euros nets.

La réforme, attendue en conseil des ministres le 23 janvier, sera présentée à l'Assemblée nationale début février dans un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, un véhicule législatif souple qui permet de limiter les débats dans le temps.

Le gouvernement table sur une adoption en mars et la mise en oeuvre des principales mesures au 1er septembre.

La réforme permettrait de générer 17,7 milliards d'euros en recettes supplémentaires en 2030. Mais cela sera pas suffisant pour résorber le déficit anticipé et financer toutes les mesures d'accompagnement prévues dans la réforme.

Le gouvernement devra encore trouver environ 1,6 milliard d'euros chaque année. Quelque 600 millions seront ponctionnés sur la branche Accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) laquelle est excédentaire. Le reste doit faire l'objet d'une discussion avec les groupes parlementaires, a dit la Première ministre.

"Chaque euro cotisé servira à financer nos retraites, rien d'autre", ont néanmoins affirmé de concert la Première ministre et le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire.

"NOUS VOULONS LE DIALOGUE"

Le gouvernement entend notamment financer des mesures sur la compensation de la pénibilité, l'emploi des seniors ou pour augmenter les petites retraites.

La réforme marque par ailleurs la fin des principaux régimes spéciaux. Les nouveaux salariés embauchés à compter du 1er septembre 2023 à la RATP, à EDF, à la Banque de France, les clercs de notaires, notamment, seront affiliés au régime général ("clause du grand-père").

Les organisations syndicales CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires, toutes opposées à une mesure d'âge, devaient se réunir en début de soirée pour décider d'une riposte commune au projet gouvernemental.

A l'Assemblée nationale, la gauche et l'extrême droite ont déjà dit qu'elles s'opposeraient au projet.

Le camp présidentiel a oeuvré pour convaincre les conservateurs, et en particulier Les Républicains, du bien-fondé de son projet. Le président de LR, Eric Ciotti, a déjà posé ses conditions : une réforme sur deux quinquennats avec un âge légal porté à 64 ans en 2032, une étape intermédiaire à 63 ans en 2027 et une clause de revoyure à cette échéance.

"Nous voulons le dialogue. (...) Nous sommes prêts à faire encore évoluer notre projet. Et cela sera possible grâce à un débat parlementaire loyal et constructif", a affirmé Elisabeth Borne.

(Reportage Caroline Pailliez, avec Sophie Louet, Nicolas Delame, Elizabeth Pineau, édité par Blandine Hénault)

par Caroline Pailliez