* Visite officielle de trois jours au Caire

* Archéologie, économie et sécurité au programme

* Pression des ONG sur la question des armes

par Marine Pennetier

LE CAIRE, 27 janvier (Reuters) - Un an et demi après avoir refusé de donner des leçons en matière de droits de l'Homme à l'Egypte, Emmanuel Macron entame ce dimanche sa première visite officielle au Caire, "allié incontournable" dans la lutte contre le terrorisme, qui sera scrutée de près par les défenseurs des libertés civiles.

Tout au long de la semaine, ces derniers ont accentué la pression sur le chef de l'Etat français en l'accusant de "passer sous silence le bilan catastrophique de l’Egypte en termes de droits humains, pour préserver ses intérêts stratégiques, économiques et militaires".

"Il n'y a pas de silence", réplique-t-on à l'Elysée. La question des droits de l'Homme "sera évidemment évoquée, y compris publiquement, lors de la visite, lors des différentes rencontres avec à la fois l'évocation de cas individuels et l'évocation de dossiers législatifs et systémiques."

"Nous sommes préoccupés par la situation actuelle et le président est tout à fait prêt à le dire à son homologue", Abdel Fattah al Sissi, qu'il rencontrera lundi en tête à tête au palais présidentiel, ajoute-t-on.

Allié "stratégique" de la France dans la lutte contre le terrorisme, l'Egypte connaît depuis l'arrivée d'al Sissi au pouvoir en 2014 la "pire crise des droits humains de l'époque récente" selon les ONG de défense des droits de l'Homme qui dénoncent une pratique "systématique" de la torture, un climat de "peur" et l'arrestation d'opposants.

Pointées du doigt, les autorités égyptiennes ont démenti détenir des prisonniers politiques et assurent que certaines mesures législatives, jugées liberticides, sont nécessaires pour lutter contre le terrorisme.

DIALOGUE FRANC ET DIRECT

La France, elle, marche sur des oeufs, revendiquant un "dialogue franc et direct" sur ces questions tout en insistant sur le rôle "essentiel" de l'Egypte dans la stabilité et la sécurité de la région, notamment en Libye voisine.

"C'est un pays avec lequel nous avons intérêt, la France, l'Europe, à avoir des relations fortes et à travailler sur les enjeux de stabilité et de sécurité, ça en fait un partenaire incontournable", souligne-t-on à Paris.

Il n'en reste pas moins qu'en un an et demi, les lignes ont bougé. Après avoir refusé de donner des leçons à l'Egypte lors de la venue d'Al Sissi à Paris, Emmanuel Macron semble "avoir compris", estime un responsable d'une ONG basée à Paris.

"Mais le véritable test sera de voir si ce sont juste des mots qu'il prononce pour nous faire plaisir ou si cela va déboucher sur quelque chose de concret, comme la libération de prisonniers", indique un responsable d'une ONG basée à Paris.

En octobre 2017, "l'approche du président était de dire 'il faut être très franc, très direct, avec des demandes précises sur des situations individuelles' mais ce que le président ne voulait pas faire, c'est des grands discours pour se donner bonne conscience, des propos d'estrade qui n'aboutissent finalement à aucun changement", note l'Elysée.

"Maintenant le temps a passé, la relation avec l'Egypte s'est renforcée mais elle a aussi un peu été modifiée par la situation préoccupante sur les droits de l'Homme et notre volonté de notre part de mettre clairement cette question sur la table", ajoute-t-on.

UN MILLIARD DE DOLLARS

Reste à savoir sous quelle forme.

Dès son arrivée dimanche sur le sol égyptien, Emmanuel Macron se rendra dans le Sud, sur le site archéologique d'Abou Simbel, qui a fait l'objet d'un sauvetage par l'Unesco il y a 50 ans, avant de rentrer au Caire dans la soirée pour une rencontre avec des intellectuels et artistes égyptiens.

Le chef de l'Etat français retrouvera lundi son homologue pour un entretien en tête à tête au cours duquel les crises régionales (Libye, Syrie, conflit israélo-palestinien, crise dans le Golfe) devraient être abordées avant une cérémonie de signatures d'accords et un déjeuner de travail.

Au total, une trentaine d'accords ou de contrats seront signés ou annoncés lors de cette visite pour un montant qui "pourrait dépasser le milliard de dollars" mais il n'y a pas "d'accord dans le domaine militaire prévu", selon l'Elysée.

"Il y aura un accord sur la coopération culturelle, un dans le domaine de la santé, et plusieurs accords qui concernent des grandes entreprises françaises dans le domaine des transports", a-t-on ajouté, sans plus de précisions.

Concernant la finalisation de la vente de douze avions de chasse Rafale, présentée comme imminente par le site La Tribune, "il n'est pas exclu que l'Egypte se dote ou complète sa flotte de Rafale dans les semaines ou les mois qui viennent mais il n'y aura pas de signature" lors de cette visite, selon l'Elysée.

Les discussions sont toujours en cours entre les industriels, a précisé la présidence qui a estimé que le gouvernement n'avait "pas à être embarrassé par l'existence de ces relations" qui font "partie du partenariat stratégique en matière de sécurité".

Au lendemain d'un dîner lundi soir avec les acteurs économiques et culturels en présence des deux présidents et de leurs épouses, Emmanuel Macron rencontrera mardi matin le pape des Coptes Tawadros II et le grand imam de l'institut al Azhar, le cheikh Ahmed el Tayyeb, avant de s'envoler pour Chypre et le sommet des pays du sud de l'Europe (Med7). (avec John Irish, édité par Yves Clarisse)