Cette position aurait dû être formulée lors du comité de groupe européen d'Alstom prévu mercredi, mais la réunion a été repoussée au 8 février à la demande de la direction.

L'avis des représentants du personnel est consultatif mais constitue un passage obligé avant la fusion entre les deux entreprises.

"Les organisations syndicales d'Alstom France sont toutes fermement opposées au projet de filialisation d'Alstom dans Siemens tel qu'il est présenté à ce jour : à savoir un projet uniquement politique et financier, sans aucune stratégie industrielle", affirment dans un communiqué commun la CFDT, la CFE-CGC, la CGT et FO.

Les syndicats, qui s'appuient sur une expertise qu'ils ont demandée à deux cabinets, l'un français, Sécafi, l'autre allemand, Info Institut, estiment que la situation financière d'Alstom et ses perspectives de marché – les commandes ont bondi de 75% au quatrième trimestre 2017 - ne justifient pas un mariage dans lequel Siemens "sera au pilotage".

Au terme du protocole d'accord signé en septembre entre les deux groupes, Siemens détiendra 50% du capital et pourra ensuite acquérir des actions d'Alstom au plus tôt quatre ans après la clôture de la transaction attendue fin 2018.

Le groupe allemand nommera six des onze membres du conseil d'administration qui sera présidé par l'un de ses dirigeants, Roland Busch, tandis qu'Henri Poupard Lafarge, PDG d'Alstom, deviendra directeur général de la nouvelle entité.

Les syndicats disent craindre qu'au terme des quatre années durant lesquelles le groupe s'engage à maintenir les effectifs, Siemens procède à de nouvelles restructurations.

"Qu'il s'agisse du matériel roulant, des composants comme des activités signalisation, les écarts d'organisation avec Siemens, les nombreux doublons et les inévitables arbitrages de gammes affecteront d'abord, pour différentes raisons, les équipes actuelles d'Alstom", assurent-ils.

"Enfin, les désaccords qui 'transpirent' entre les dirigeants d'Alstom et ceux de Siemens sont également un très mauvais signal de la capacité à réaliser ce rapprochement dans de bonnes conditions pour les équipes d’Alstom", ajoutent les syndicats.

Les moyens financiers d'Alstom, avec son absence d'endettement et les fonds que l'entreprise retirera de la vente de ses coentreprises dans l'énergie, secteur dont elle se désengage, pourraient également, selon eux, lui permettre d'envisager "des rachats, voire des rapprochements qui soient d'égaux à égaux".

Un représentant syndical d'Alstom interrogé par Reuters sur la possibilité de revenir sur l'accord de fusion reconnaît toutefois que c'est assez improbable. "On se rend compte que ce projet est fortement poussé par les deux gouvernements français et allemand, donc ça semble plié", dit-il, estimant également qu'au de l'analyse des experts, "il n'y a pas péril en la demeure".

Alstom, désormais recentré sur le ferroviaire, prévoit d'organiser en juillet l'assemblée générale destinée à approuver le projet de rapprochement avec l'activité ferroviaire de Siemens annoncé pour mieux lutter contre le géant chinois CRRC.

(Gilbert Reilhac, édité par Gilles Guillaume)

Valeurs citées dans l'article : Alstom, Siemens, CRRC Corp Ltd