Lausanne (awp/ats) - Le Tribunal fédéral déboute un ancien cadre de Credit Suisse qui contestait son licenciement. L'homme dirigeait le bureau genevois du département Amérique du Nord entre le milieu des années 1990 et 2011. A ce titre, il a participé aux opérations visant à conserver et à augmenter la clientèle américaine en dépit des règles toujours plus strictes mises en oeuvre par Washington afin de lutter contre l'évasion fiscale.

L'homme a été inculpé en février 2011 par une cour américaine pour conspiration au détriment des Etats-Unis. Il lui était reproché d'avoir rencontré des clients outre-Atlantique, de leur avoir téléphoné pour discuter de leurs comptes non déclarés ou de leur avoir recommandé de transférer leurs avoirs afin de contourner les impôts américains.

Credit Suisse l'a immédiatement libéré de son obligation de travailler mais l'a payé jusqu'à son licenciement à fin août 2014. Dans les mois suivants, la banque a résilié toutes ses relations (comptes, crédits, hypothèques) avec son ex-employé. Ces mesures résultaient d'un accord passé avec le département des finances de l'Etat de New York. En revanche, l'établissement a pris en charge les frais de procès aux Etats-Unis, qui s'élevaient à près de 420'000 francs suisses et 1,3 million de dollars.

Lourdes indemnités

En 2015, l'ancien cadre a assigné la banque devant le Tribunal des prud'hommes de Genève et a réclamé environ 280'000 francs suisses pour licenciement abusif, 200'000 francs suisses pour tort moral et 6,8 millions de dollars pour ses frais de procès à venir aux Etats-Unis. Le tribunal lui a accordé 260'000 francs suisses pour le premier motif et 20'000 francs suisses pour le second.

Ce jugement a été annulé par la Cour de justice genevoise qui a estimé que l'ancien cadre et son équipe avaient violé à de nombreuses reprises les lois américaines et les directives internes de la banque. Certes, son supérieur, le chef du département Amérique du Nord, avait aussi commis des manquements, notamment en faisant modifier des rapports de voyage avant de les communiquer plus haut. Pour autant, on ne pouvait pas reprocher à Credit Suisse d'avoir incité ses employés à violer les règles.

Dans un arrêt publié lundi, le Tribunal fédéral se rallie à la position de la justice genevoise. Il estime que le recourant n'a pas démontré que les deux niveaux hiérarchiques situés au-dessus de lui étaient au courant des pratiques du département pour éluder les règles du fisc américain.

Aveux pas concluants

De même, les aveux de Credit Suisse devant les autorités états-uniennes n'établissent pas sa responsabilité directe car la banque a uniquement incriminé certains employés qui n'avaient pas respecté le droit. Et ce même si les Américains - et l'Autorité de surveillance des marchés financiers (FINMA) - ont aussi critiqué le contrôle insuffisant exercé sur les collaborateurs ainsi que les objectifs de rendement et les rémunérations par bonus qui pouvaient inciter ces derniers à franchir la ligne rouge.

Pour les juges de Mon Repos, leurs collègues genevois n'ont pas fait mystère du rôle du chef du département Amérique du Nord qui conseillait de mentir sur le but des séjours outre-Atlantique ou de voyager les week-ends afin de faire croire à des vacances.

Il est évident que, si ce supérieur avait fait appliquer les directives en vigueur, le recourant n'aurait certainement pas mené des opérations contraires aux lois américaines. Cependant, ce dernier n'était pas un "simple subordonné au pied de l'échelle hiérarchique" mais plutôt un "cadre supérieur rompu au système et doté d'une vaste expérience", souligne la 1ère Cour de droit civil.

A ce titre, il était en mesure de comprendre que les directives du chef du département Amérique du Nord contrevenaient aux règlements de la banque et aux lois américaines. Les juges reconnaissent qu'une communication de ces faits au service de révision pouvait exposer le recourant à une baisse de revenu.

Mais l'homme était averti des risques et si sa "faculté de jugement a été embrumée si longtemps", c'est qu'il en retirait un avantage financier. Dans ces conditions, la faute de la banque - par l'intermédiaire du chef de département - n'est pas telle qu'elle relègue la sienne à l'arrière-plan. (arrêt 4A_479/2020 du 30 août 2020)

ats/jh