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* Le pari du renouvellement

* Un philosophe proche des milieux conservateurs

* Un choix de Laurent Wauquiez

* Défiance dans les rangs des Républicains

par Simon Carraud

PARIS, 29 janvier (Reuters) - C'est à un jeune agrégé de philosophie au visage encore lisse, débutant au plus haut niveau politique mais bien connu de la droite conservatrice et catholique, que Laurent Wauquiez a confié la périlleuse mission de conduire la liste des Républicains aux élections européennes du 26 mai.

La commission d'investiture a officialisé ce choix mardi, passant outre à la défiance ambiante au sein de la principale formation de droite.

En dépit de son expérience politique encore mince, François-Xavier Bellamy s'apprête donc à mener, à seulement 33 ans, une campagne cruciale pour Les Républicains, auxquels les sondages prêtent des intentions de vote autour de 10%, très en deçà de leurs scores habituels sous la Ve République.

La direction de LR l'a flanqué de deux personnalités censées symboliser le parti dans toute sa diversité, une ancienne porte-parole de Valérie Pécresse (Agnès Evren) et un ex-"juppéiste" (Arnaud Danjean). Mais les projecteurs seront bien braqués sur François-Xavier Bellamy.

Consciente du scepticisme largement partagé en haut lieu, l'équipe de Laurent Wauquiez pare le jeune homme de toutes les vertus : il est "intelligent", "courtois", "modéré", "pas sectaire", selon la porte-parole Laurence Sailliet.

Pour Laurent Wauquiez, qui a défendu son candidat dans Le Figaro de mardi, le jeune adjoint au maire de Versailles (Yvelines) incarne "la droite des valeurs, loin de la politique du buzz et de l'ultracommunication". Il a aussi le mérite d'avoir "dénoncé les dégâts de la déconstruction permanente depuis 1968 dans l'Education nationale" et célébré "l'enracinement et la transmission".

Autant de qualités qui faisaient de François-Xavier Bellamy la tête de liste idéale aux yeux du chef de parti, soucieux de préserver l'électorat conservateur de LR.

"RÉTRÉCISSEMENT"

Le jeune intellectuel a également reçu le parrainage de certains appuis utiles à droite, comme Brice Hortefeux et Eric Ciotti, pour qui François-Xavier Bellamy incarne un renouvellement de bon aloi en période macronienne.

C'est du reste ce même pari que font le Rassemblement national et La France insoumise, qui n'ont pas hésité à propulser des personnalités pratiquement inconnues du grand public, respectivement Jordan Bardella (23 ans) et Manon Aubry (29 ans), tout en haut de leur liste.

Comme ses jeunes adversaires, le numéro un de LR n'a pas l'expérience des campagnes nationales : sur son CV politique, ne figurent qu'un double mandat d'adjoint à Versailles, des passages dans les cabinets sous Nicolas Sarkozy et un échec aux législatives de 2017, dans une circonscription pourtant considérée comme une terre de droite depuis des décennies.

A côté de ses engagements politiques, le normalien a exercé dans des lycées, jusque dans une khâgne parisienne, et rédigé deux essais, "Les Déshérités" (2014) et "Demeure" (2018), qui peuvent se lire comme des manifestes du conservatisme.

Plus encore que son manque d'expérience à cette altitude, c'est son profil qui suscite le plus d'inquiétude dans les rangs de LR, un parti où les représentants des différentes chapelles s'observent en attendant le faux pas d'un rival.

"Je m'interroge sur la stratégie du rétrécissement d'un parti de plus en plus conservateur", a déclaré Eric Woerth dans une interview au Figaro qui, dans la bouche de ce député plutôt légitimiste et mesuré, sonne comme un violent réquisitoire.

"CONVICTION PERSONNELLE"

Conservateur ? François-Xavier Bellamy récuse l'épithète mais c'est bien celle qui revient le plus souvent pour qualifier le philosophe, qui s'est joint dans le passé aux cortèges de la "Manif pour tous", contre l'ouverture du mariage aux couples de même sexe, et a défilé aux côtés des opposants à l'avortement.

Il s'agit là d'une simple "conviction personnelle", a assuré, au Journal du dimanche, l'élu versaillais, qui ne milite pas pour l'abrogation de la loi Veil sur l'IVG.

"Beaucoup plus conservateur que je ne le suis", pour Christian Jacob, président du groupe LR à l'Assemblée nationale (France 2). "Beaucoup plus conservateur que moi", selon Guillaume Peltier, vice-président du parti et ancien proche de Philippe de Villiers (RTL). "Extrêmement conservateur", au goût du maire de Nice, Christian Estrosi (franceinfo).

Un avis partagé par Marion Maréchal, ex-députée Front national, qui a présenté en novembre François-Xavier Bellamy comme un possible accélérateur d'alliances entre la droite classique et le parti d'extrême droite.

Lui rejette cette perspective.

Au Rassemblement national (RN), Marine Le Pen se réjouissait par avance du contraste entre l'élu des Yvelines et son propre candidat, originaire de banlieue parisienne, entre "Bellamy le Versaillais" et "Bardella de Seine-Saint-Denis".

Selon ce dernier, interrogé par Reuters, François-Xavier Bellamy "traduit aussi l'abandon des classes populaires par LR". (Edité par Yves Clarisse)