Fréquemment supérieure à 20%, la rentabilité des capitaux propres impressionnait et illustrait comme le prêt « subprime » — consenti à des emprunteurs précaires ou à peine solvables — pouvait rester lucratif malgré le risque, ou plutôt grâce à lui.

Le parcours de croissance de Carmax fut par ailleurs impressionnant, avec un chiffre d’affaires multiplié par six en vingt ans, et un profit par action multiplié par douze sur la période. Le groupe est en effet un célèbre « cannibale » : depuis une dizaine d’années, il rachète massivement ses titres, et a ainsi réduit son nombre de titres en circulation de 30% sur la période. 

La marché, qui avait perdu le sens des réalités durant la pandémie, entre autres à la faveur des mesures de soutien à l’économie du gouvernement fédéral et d’un marché de l’occasion en pénurie, avait poussé la valorisation à plus de vingt fois le profit exceptionnel de 2021, qui atteignait $7 par action.

C’était faire fi des prévisions — déjà optimistes — des analystes, qui eux tablaient sur un profit normalisé entre $4 ou $5 par action. Mauvaise nouvelle : l’inévitable normalisation a bel et bien eu lieu, mais elle est encore plus sévère qu’escompté, et sur l’année fiscale 2024 le groupe réalisait $3 de profit par action. 

Quant aux résultats trimestriels publiés hier, ils n’indiquent pas d’inflexion de tendance : les volumes restent en diminution, et le profit par action dévisse d’un tiers malgré une marge d’intérêt nette qui bénéficie de la remontée des taux. Pas de signes cependant de défauts en série, avec des provisions pour crédits non-performants stables. Très suivi, cet indicateur est réputé idéal pour prendre le pouls de l’économie américaine.

Notablement, Carmax a initié ce mois-ci une stratégie de titrisation de son portefeuille de prêts. Ce développement, qui lui permet de libérer du capital et de réduire son risque, ne peut manquer d’interroger : lorsque un établissement de crédit commence à vendre ses portefeuilles de prêts très rentables, c’est généralement qu’il commence à sentir le vent tourner. 

Certains observateurs parient depuis dix ans sur une implosion du secteur du prêt automobile aux Etats-Unis — pour l’instant sans succès, même si l’on note une hausse du taux de défauts récemment. Il est vrai que ceux qui pointent du doigt un doublement de la dette automobile par ménage depuis quinze ans oublient qu’inflation comprise, le taux d’endettement absolu n’a en réalité pas tellement augmenté.

En plus du risques de crédit, se pose par extension la question d’une dépression des prix de l’occasion avec la mise sur le marché des véhicules saisis par les institutions financières. Actif sur les deux tableaux, Carmax se trouverait doublement perdant. 

Même si le pire n’est jamais sûr, l’objectif d’un profit par action de $5 semble en tout cas s’éloigner. La profitabilité est en effet en déclin structurel depuis quelques années car le groupe doit investir de manière soutenue dans sa stratégie digitale. Ceci, en tout cas, ne le fait toutefois pas dévier de ses grandes orientations, puisque la direction annonçait hier une accélération du programme de rachats d’actions cette année.

Malgré le repli de la conjoncture, cette annonce soutient la capitalisation boursière à un niveau toujours élevé de vingt-quatre fois le profit attendu cette année.