Malgré une tendance encourageante, CAE a encore beaucoup à se faire pardonner à l’issue d’une décennie que de nombreux analystes seraient prompts à qualifier de perdue. Si la croissance fut bien réelle, avec un chiffre d’affaires qui double entre 2014 et 2023, la création de valeur est elle restée nulle, avec un profit par action qui n’a guère évolué sur la période.

Même dynamique au niveau des cash-flows, avec une génération de cash inégale et en dents de scie. L’inconvénient de l’activité de CAE est qu’elle demeure très capitalistique, avec de permanents impératifs de modernisation et en en bout de ligne une faible rentabilité des capitaux employés. 

Sur le cycle décennal, la dette nette a explosé jusqu’à désormais atteindre un niveau critique. En fin d’année dernière, justement, la vente de la division médicale — anecdotique dans le portefeuille d’activités puisqu’elle ne représentait que 4% du chiffre d’affaires — avait pour optique de renflouer les caisses et d'améliorer les ratios de solvabilité.  

Le groupe canadien exploite aussi une activité dans la défense qui représente 44% de son chiffre d’affaires. En difficulté chronique, celle-ci est le maillon faible qui tire l’ensemble du groupe vers le bas ;  les marges y sont d’ailleurs quatre à cinq fois moindres que sur l’activité aviation civile.

C’est sur ce dernier segment que CAE doit capitaliser. Le canadien y dispose d’une infrastructure sans égal — 70 sites à travers le monde, 170 appareils modélisés, 135 000 pilotes entraînés chaque année via plus d’un million d’heures de simulation — avec une opportunité de croissance organique bien réelle puisque le nombre de pilotes en exercice devrait croître de 50% d’ici dix ans, et qu’une moitié des pilotes actuellement en exercice atteindra l’âge de la retraite d’ici là. 

Pour le canadien, l’année qui s’achève s’inscrit dans la parfaite continuité de la tendance à long terme. Le segment défense boit la tasse avec une dépréciation de $658 millions, tandis que la performance de croissance consolidée est entièrement tirée par le segment aviation civile — ainsi que par un taux de change favorable, ce qui ne doit pas manquer d’être pris en compte.

A terme, il ne serait pas étonnant qu’un activiste se saisisse du dossier pour exiger une séparation des deux segments. Sans le boulet au pied que représente l’activité défense, il est en effet assez aisé de soutenir que l’activité aviation civile — qui réalisait un chiffre d’affaires de $2.4 milliards et un profit d’exploitation de $442 millions sur l’année fiscale à peine achevée — pourrait briller à sa juste valeur, et valoir davantage que la capitalisation boursière actuelle.

En attendant, l’ensemble consolidé s’échange à dix fois l’EBITDA attendu cette année.