* Madrid nationalise Bankia, quatrième banque du pays

* E54 mds déjà provisionnés sur les prêts immobiliers

* La décision sera officiellement annoncée vendredi

* Le rendement espagnol dépasse le seuil des 6% (Actualisé avec la nationalisation partielle de Bankia)

par Carlos Ruano et Jesús Aguado

MADRID, 9 mai (Reuters) - L'Espagne a pris mercredi le contrôle de Bankia, quatrième banque du pays, voulant par là dissiper les doutes sur sa capacité à agir pour assainir un secteur financier plombé depuis quatre ans par l'effondrement du secteur immobilier du pays.

L'Etat détiendra indirectement 45% de l'établissement à la suite de la nationalisation de BFA, maison mère de Bankia, via la conversion en actions d'un prêt de 4,5 milliards d'euros accordé précédemment au groupe financier, a précisé la Banque d'Espagne.

Le ministère de l'Economie s'est engagé à faire le nécessaire pour redresser Bankia, dont l'exposition à des actifs immobiliers à risque s'élève à plus de 30 milliards d'euros.

Madrid devrait prêter ou donner à Bankia une aide supplémentaire pouvant aller jusqu'à 10 milliards d'euros, même si certains analystes bancaires estiment que cette somme est insuffisante.

Les incertitudes entourant la facture définitive de la purge dus secteur bancaire espagnol a pesé sur l'euro, sur les rendements obligataires espagnols et les marchés boursiers mondiaux.

Si le montant que doit débourser l'Espagne pour sauver son secteur bancaire met en péril la solvabilité budgétaire du pays, contraignant ainsi Madrid à solliciter une aide internationale, la crise de la dette de la zone euro entrerait dans une nouvelle dimension.

Depuis le début de la crise bancaire, l'Espagne a déjà volé au secours de sept caisses d'épargne de taille modeste.

"Nous allons accélérer le processus de nettoyage des banques", a déclaré Mariano Rajoy, Premier ministre espagnol, lors d'une conférence de presse.

Le gouvernement espagnol va demander aux banques de provisionner 35 milliards d'euros supplémentaires sur leurs prêts immobiliers, afin de contribuer à rétablir la confiance dans le secteur, selon des sources financières proches des négociations.

Cette décision devrait être annoncée vendredi à l'issue du conseil des ministres et s'intégrer dans un projet plus vaste de réforme, avec la création d'une structure de défaisance appelée à reprendre les actifs immobiliers les plus risqués et le renflouement de Bankia. (voir )

UN RENDEMENT SUPERIEUR A 6%

Sur les marchés, les craintes sur l'état de santé des banques espagnoles se sont traduites par une hausse du rendement des obligations espagnoles à 10 ans au-delà du seuil psychologique de 6%, jusqu'à 6,068%.

Les marchés d'actions européens ont également terminé en baisse tandis que l'euro touchait un plus de trois mois face au dollar.

Le gouvernement avait déjà contraint les banques à réaliser des provisions de 54 milliards d'euros pour couvrir les crédits immobiliers qui risquent de ne pas être remboursés.

Les fonds supplémentaires sont destinés à couvrir d'autres actifs liés à l'immobilier a priori non problématiques, mais qui seront ainsi mieux couverts au cas où l'économie du pays viendrait à se dégrader davantage, précise-t-on de même source.

Ainsi, les provisions sur les prêts aux promoteurs-constructeurs de logement devront être portées à 30%, contre 7% actuellement.

Les banques espagnoles détiennent près de 300 milliards d'euros de prêts aux constructeurs immobiliers dans leurs comptes, soit environ 30% du produit intérieur brut du pays. Plus de la moitié sont problématiques.

"Il n'y a aucun moyen pour que nous puissions atteindre ces provisions par nous-mêmes - l'ensemble du secteur accuserait des pertes", a dit une source au sein d'une caisse d'épargne qui a refusé d'être nommé.

Le gouvernement admet que certaines banques ne seront pas capables d'enregistrer de nouvelles provisions et travaille toujours sur des mesures de soutien aux banques concernées, a indiqué mercredi une source au sein du gouvernement.

L'injection des 40 à 50 milliards d'euros estimés pour permettre aux banques de se protéger face à des futures pertes permettrait de maintenir la dette publique de l'Espagne sous les 100% du PIB, en ligne avec les ratios de dette affichés par la France et l'Allemagne, estiment les économistes.

En Bourse, les actions des banques espagnoles ont plongé mercredi. Le titre Bankia a chuté de 5,84%, deux jours après que son président Rodrigo Rato a démissionné sous la pression du gouvernement pour laisser la place à Jose Ignacio Goirigolzarri, ancien directeur général de BBVA.

Le gouvernement souhaite que le nouveau président soit en fonction avant d'annoncer les détails du plan de sauvetage de la banque, a dit une source au sein du gouvernement.

L'action Bankia a chuté de près de 15% depuis lundi, le départ Rodrigo Rato ouvrant la voie à un renflouement par Madrid, alors que le gouvernement se refusait jusqu'ici à débourser des fonds publics pour aider les banques.

Bankia détient environ 10% de l'ensemble des dépôts bancaires d'Espagne. (Bureau de Madrid, avec Steve Slater à Londres, Blandine Hénault et Juliette Rouillon pour le service français, édité par Natalie Huet)