par Jamie McGeever

LONDRES, 8 janvier (Reuters) - Les rendements des dettes périphériques de la zone euro ne devraient pas retrouver leurs niveaux d'avant l'éclatement de la crise financière même s'ils ont encore un potentiel de baisse après leur nouvelle détente.

Les investisseurs commencent en effet à s'inquiéter de la liquidité et de la qualité de crédit de ces dettes dont les rendements ont amorcé une baisse durable avec l'engagement pris en juillet 2012 par le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi de faire tout ce qu'il faudrait pour préserver l'euro.

Les premiers jours de l'année 2014 ont été marqués par une nouvelle détente, favorisée par le retour sur ces dettes des banques européennes. Elles les avaient en partie arbitrées l'année dernière en faveur de titres présentant une meilleure qualité de crédit, dans la perspective de l'examen de leurs bilans à fin 2013 que la BCE doit conduire d'ici octobre.

L'Espagne et l'Irlande, deux des pays dits périphériques les plus touchés par la crise des dettes souveraines, ont rarement bénéficié de conditions aussi favorables. Elles avaient encore un statut de pays émergents dans les années 1980 et le rendement de leurs emprunts d'Etat à 10 ans étaient supérieurs à 12% à la veille du lancement de l'euro en 1999.

S'il a fortement baissé après l'introduction de la monnaie unique, ce rendement a grimpé en flèche avec la crise des dettes souveraines.

Le rendement des emprunts d'Etat espagnols à 10 ans a ainsi atteint au cours de l'été 2012 un plus haut record depuis le lancement de l'euro - à 7,5% - pour revenir à 3,8% actuellement, contre 2,95% pour les emprunts de même échéance du Trésor américain.

"Nous pourrions très vite voir les rendements (à 10 ans) espagnol et américain à 3,5% l'un comme l'autre, mais il y a une différence de sept crans entre leur note souveraine respective, ce qui pourrait modifier la structure de la demande de dette espagnole par les investisseurs internationaux", prévient Alessandro Tentori, responsable de la stratégie de taux de Citigroup à Londres.

Avant l'éclatement de la crise financière de 2007-2008, les écarts de rendement entre d'une part l'Espagne et l'Irlande et de l'autre les Etats-Unis et l'Allemagne, considérée comme le pays le plus solvable de la zone euro, étaient pratiquement nuls. Au milieu des années 1990, les rendements des emprunts d'Etat espagnols et irlandais ont même été inférieurs à ceux de l'Allemagne.

Une configuration qui a peu de chance de se reproduire, estiment toutefois économistes et investisseurs.

La dette souveraine de l'Espagne comme de l'Irlande a bénéficié pendant la majeure partie des années 2000 du fameux triple A, la meilleure note de solvabilité à long terme délivrée par les agences de notation.

Aujourd'hui, l'Espagne est notée BBB- par Standard & Poor's et Baa3 par Moody's, les notes les plus basses de ces deux agences dans la catégorie dite d'investissement et neuf crans en dessous du triple A dont l'Allemagne reste créditée.

L'Irlande jouit d'une note en catégorie investissement auprès de Standard & Poor's et de Fitch, à BBB+, qui se situe toutefois sept crans en dessous du triple A. Sa note Ba1 délivrée par Moody's est en catégorie dite spéculative.

La plupart des grands investisseurs institutionnels, comme les fonds de pension ou les banques centrales, sont tenus d'investir dans les dettes d'émetteurs dont les notes sont parmi les meilleures de la catégorie d'investissement.

LA LIQUIDITÉ EN QUESTION

Ils peuvent être amenés à considérer que les écarts de rendement sur certaines obligations périphériques ne sont plus suffisants pour rémunérer le risque de crédit à un horizon de dix ans.

Le rendement des emprunts d'Etat irlandais à dix ans sont tombés mardi à un plus bas de 8 ans, ramenant leur écart avec celui des Bunds allemands de même échéance à 136 points de base avec le succès de la première émission syndiquée réalisée par l'Irlande depuis la sortie de son plan de sauvetage international.

L'écart de rendement à 10 ans entre l'Irlande et l'Allemagne atteignait près de 1.200 points de base à la mi-2011. Avec l'Espagne, il a diminué des deux tiers depuis la mi-2012 pour revenir actuellement sous les 200 points de base pour la première fois en près de trois ans.

Au-delà de la qualité de crédit, les investisseurs institutionnels sont aussi préoccupés de la liquidité des marchés de la dette des émetteurs périphériques dont les rendements restent attractifs.

Ils privilégient les marchés très liquides et profonds sur lesquels il est à la fois facile d'entrer et de sortir même en cas de brusque décalage des prix.

La prime offerte sur les échéances à dix ans par les emprunts d'Etat espagnols ou italiens par rapport aux emprunts du Trésor américain, considérés comme les plus sûrs et les plus liquides, est désormais inférieure à 100 points de base. Dans le cas de l'Irlande, elle est inférieure à 50 points de base.

De plus, l'inflation au sein de la zone euro est tombée à des plus bas record, ressortant à 0,8% en rythme annuel au mois de décembre. La faiblesse de la hausse des prix favorise certes le maintien de taux d'intérêt à un bas niveau mais elle accroît aussi le poids de la dette en termes réels.

En Espagne, l'encours de la dette publique atteint près de 900 milliards d'euros, soit 93% du produit intérieur brut (PIB). En Irlande comme au Portugal, il est de 143 milliards d'euros mais représente plus de 120% de la taille de leur économie. Quant à l'Italie, elle affiche une dette publique de 1.700 milliards d'euros et le taux d'endettement le plus élevé au monde à 127%.

La faiblesse de la croissance et de l'inflation rend problématique l'allègement du fardeau de la dette dans ces pays.

"La soutenabilité de la dette n'est en aucun cas assurée. Cela fait une grande différence si la croissance du PIB nominal est de 2% ou de 3%", rappelle Ralf Preusser, un des responsables de la stratégie de taux de Bank of America-Merrill Lynch. (Marc Joanny pour le service français, édité par Dominique Rodriguez)