* Plusieurs milliards d'euros d'investissements nécessaires

* EDF devra présenter des dispositions d'ici fin juin

* La surveillance des sous-traitants à renforcer (Actualisé avec porte-parole d'EDF, §4)

par Benjamin Mallet

PARIS, 3 janvier (Reuters) - Des milliards d'euros d'investissements sont nécessaires pour améliorer la sécurité des installations nucléaires françaises mais aucune centrale ne nécessite un arrêt immédiat, a annoncé mardi l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

L'ASN avait été chargée en mars, après la catastrophe de la centrale japonaise de Fukushima, d'un audit de sécurité portant en priorité sur 79 installations nucléaires françaises, dont les 58 réacteurs en fonctionnement, l'EPR de Flamanville (Manche) en cours de construction et les usines de gestion du combustible.

L'Autorité a considéré dans un avis que les installations examinées présentaient "un niveau de sûreté suffisant pour qu'elle ne demande l'arrêt immédiat d'aucune d'entre elles", mais que "la poursuite de leur exploitation nécessit(ait) d'augmenter dans les meilleurs délais, au-delà des marges de sûreté dont elles disposent déjà, leur robustesse face à des situations extrêmes".

Une porte-parole d'EDF a ensuite indiqué que les investissements de l'électricien public pour prolonger de 40 à 60 ans la durée de vie des 19 centrales nucléaires françaises pourraient en conséquence atteindre le haut d'une fourchette de 40 à 50 milliards d'euros sur trente ans, alors qu'il visait auparavant le bas de cette estimation.

Le Premier ministre François Fillon a demandé dans un communiqué aux ministres concernés "de veiller à ce que les exploitants se conforment à l'intégralité des demandes de l'ASN dans le calendrier qui leur est imposé".

"ULTIME SECOURS"

Le ministre chargé de l'Industrie et de l'Energie, Eric Besson, a de son côté fait savoir qu'il recevrait lundi 9 janvier les exploitants nucléaires (EDF, Areva et Commissariat à l'énergie atomique) "afin de définir le calendrier de mise en oeuvre des demandes de l'ASN".

EDF devra notamment prévoir un groupe électrogène et une alimentation en eau "d'ultime secours" pour chacun de ses réacteurs et envisager une protection des eaux souterraines et superficielles en cas d'accident grave.

Pour le président de l'ASN, André-Claude Lacoste, les mesures imposées représentent des investissements "massifs".

"Si je prends un exemple d'investissement matériel qui est celui des diesels d'ultime secours imposé à chacun des 59 réacteurs d'EDF (...), ça fait un chiffre qui peut être de 40 à 60 millions d'euros pièce. On est face à un investissement de plusieurs milliards d'euros", a-t-il dit lors d'une conférence de presse.

"Si ces investissements demandent du temps, nous serons amenés à imposer des dispositions transitoires", a-t-il ajouté.

Dans son rapport, l'ASN précise qu'EDF devra présenter avant le 30 juin des dispositions permettant de mettre en place un "noyau dur" dans chaque centrale afin de "maîtriser les fonctions fondamentales de sûreté dans des situations extrêmes", notamment en cas d'inondation ou de séisme.

UNE "FORCE D'ACTION RAPIDE"

EDF, ajoute l'ASN, devra aussi mettre progressivement en place la "force d'action rapide nucléaire" qu'elle a proposée d'ici à la fin 2014, ce dispositif devant permettre de fournir des moyens d'intervention d'urgence en moins de 24 heures.

L'ASN estime en outre que "la surveillance des sous-traitants intervenant dans les installations nucléaires doit être renforcée et ne doit pas être déléguée par l'exploitant quand il s'agit de contrôler les interventions importantes pour la sûreté".

"Si EDF juge que ce que nous demandons est tellement onéreux que ça ne vaut plus la peine de faire fonctionner l'installation, alors l'exploitant décide de l'arrêter", a déclaré André-Claude Lacoste.

Prié de dire si les investissements imposés à EDF se traduiraient par des hausses de tarifs, le président de l'ASN a répondu : "Je vois mal par quel miracle des investissements de plusieurs milliards d'euros pourraient ne pas se traduire par un changement du prix de revient."

L'audit de l'ASN a donné lieu ces derniers mois à un débat sur l'opportunité de fermer la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), la plus ancienne du parc français, en service depuis 1978.

Avant la publication du rapport de l'ASN, la ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, n'avait pas exclu un arrêt de cette centrale si le coût des travaux à entreprendre était trop élevé.

A quatre mois et demi du premier tour de l'élection présidentielle, les résultats de l'audit de l'ASN devraient alimenter le débat sur l'avenir du nucléaire en France, alors que plusieurs pays, dont l'Allemagne, ont annoncé leur volonté de fermer leurs réacteurs après la catastrophe de Fukushima.

En France, le nucléaire assure près des trois quarts de la production d'électricité et environ 18% de la consommation énergétique globale.

* Le rapport de l'ASN :

http://link.reuters.com/kec85s

* INTERVIEW-La France doit mieux protéger ses réacteurs nucléaires-IRSN

* Feu vert à la prolongation d'un réacteur à Fessenheim (Avec Marc Angrand et Muriel Boselli, édité par Dominique Rodriguez)

Valeurs citées dans l'article : AREVA, EDF