Les neuf juges doivent entendre les arguments oraux dans l'appel de Gerald Groff, un ancien facteur de Pennsylvanie. Les juridictions inférieures ont rejeté l'action en justice de M. Groff, estimant que le refus du service postal de l'exempter de la distribution du courrier le dimanche, jour où il observe le sabbat, ne constituait pas une violation de la loi fédérale contre la discrimination, car cette mesure imposerait des contraintes trop lourdes à ses collègues et à son employeur.

La Cour suprême, avec sa majorité conservatrice de 6 contre 3, a l'habitude d'étendre les droits religieux, se rangeant souvent du côté des plaignants chrétiens. L'affaire Groff donne à la Cour une nouvelle chance de se prononcer en faveur d'un plaignant invoquant des préjugés religieux.

Des groupes représentant certaines religions minoritaires aux États-Unis, notamment l'islam, le judaïsme et l'hindouisme, ont soutenu Mme Groff dans cette affaire, affirmant qu'ils se voient refuser de manière disproportionnée des aménagements religieux, ce qui les oblige à choisir entre leur religion et leur emploi.

L'affaire de Mme Groff se fonde sur une loi fédérale de lutte contre la discrimination, le titre VII de la loi sur les droits civils de 1964, qui interdit la discrimination en matière d'emploi fondée sur la religion et d'autres facteurs tels que la race, le sexe et l'origine nationale.

En vertu du titre VII, les employeurs doivent tenir compte de l'observance ou des pratiques religieuses d'un travailleur, à moins que cela n'entraîne pour l'entreprise un "préjudice injustifié" - ce que la Cour suprême, dans une affaire de 1977 intitulée Trans World Airlines v. Hardison, a déterminé comme étant tout ce qui impose plus qu'un coût mineur, ou "de minimis".

Les avocats de Mme Groff ont demandé à la Cour suprême d'annuler le précédent Hardison et d'exiger des entreprises qu'elles démontrent l'existence d'une "difficulté ou d'une dépense significative" avant de refuser un aménagement.

Le litige a également suscité un débat sur la question de savoir si les personnes religieuses méritent légalement plus que d'autres d'avoir des jours de congé le week-end. Les syndicats représentant les travailleurs postaux ont exhorté les juges à prendre en considération les difficultés que les accommodements religieux entraînent pour les collègues qui, par exemple, perdent un jour pour se reposer ou passer du temps avec leur famille lorsqu'ils doivent remplacer des quarts de travail.

M. Groff travaillait en tant que "transporteur rural associé" dans le comté de Lancaster, en Pennsylvanie, un emploi qui l'obligeait à remplacer les transporteurs de carrière absents, y compris les week-ends. En 2013, le service postal, soucieux de rester rentable, a conclu un contrat avec Amazon.com pour la livraison de colis, y compris le dimanche.

Groff ne s'est pas présenté à son poste le dimanche. Les responsables de la poste ont cherché à accommoder Groff en essayant de faciliter les échanges de postes, mais ils n'ont pas toujours réussi. Les absences de M. Groff ont provoqué des tensions parmi les autres transporteurs qui devaient le remplacer, a déclaré le service postal. M. Groff a reçu plusieurs lettres disciplinaires et a démissionné en 2019.

L'année dernière, la 3e Cour d'appel du circuit américain, basée à Philadelphie, a rejeté ses demandes, estimant que l'exemption de Groff causait une "contrainte excessive" parce qu'elle mettait à rude épreuve les collègues et perturbait le flux de travail.