Le ministre de l'Economie Pierre Moscovici a annoncé mardi que le représentant de l'Etat, qui contrôle 15,9% du capital, aurait pour instruction de ne pas voter la résolution visant à ratifier cette indemnité qui a déjà été versée à Pierre-Henri Gourgeon en échange du respect d'un engagement de non-concurrence pendant trois ans.

"Nous voterons contre la prime accordée à l'ancien président d'Air France et qui a mis la société dans cette grave difficulté. Cela s'appelle la décence salariale", a renchéri mercredi Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, à la sortie du conseil des ministres.

Un porte-parole de la compagnie a déclaré qu'"Air France-KLM attend les résultats du vote pour prendre les dispositions nécessaires".

Une source proche du dossier a toutefois précisé qu'AF-KLM n'avait pas juridiquement les moyens de contraindre Pierre-Henri Gourgeon à rembourser la prime en cas de rejet de la résolution sur l'indemnité de non-concurrence.

La société de conseil aux investisseurs Proxinvest a recommandé mercredi aux actionnaires de s'opposer à cette résolution.

Le groupe franco-néerlandais vient d'entrer dans la phase la plus délicate de son plan visant à économiser deux milliards d'euros d'ici fin 2014 : convaincre les syndicats d'accepter un probable plan de départ volontaire chez Air France, plus mal en point que sa jumelle néerlandaise KLM.

Dans ce contexte, les quelque 1,5 million d'euros accordés au total à Pierre-Henri Gourgeon après son éviction de la direction générale du groupe en octobre 2011 font grincer des dents.

A l'indemnité de 400.000 euros, déjà dénoncée la semaine dernière par le syndicat Unsa de l'aérien et le député UMP Bernard Carayon, s'ajoute un "parachute doré" de 1,125 million d'euros octroyé à Pierre-Henri Gourgeon lors de son départ qui a amené Jean-Cyril Spinetta, l'un des artisans de la fusion d'Air France et de KLM en 2004, à reprendre les rênes du groupe.

"Les indemnités et primes versées à l'ancien directeur général d'Air France-KLM Pierre-Henri Gourgeon et validées par le précédent gouvernement ne s'inscrivent pas dans le sens des règles de modération salariale et de décence dans les comportements annoncées par le président de la République", a estimé dans un communiqué Pierre Moscovici.

François Hollande a promis de limiter à une fourchette d'un à 20 l'éventail des rémunérations dans les entreprises publiques. Cette promesse de campagne, qui est programmée pour la fin mai et devrait prendre la forme d'un décret, s'appliquera également aux contrats en cours, a précisé mardi le Premier ministre Jean-Marc Ayrault.

REDÉCOLLAGE

Air France-KLM, dont les salariés détiennent également 9,7% du capital, s'attend à un creusement de sa perte opérationnelle au premier semestre, avant de récolter dans la deuxième partie de l'année les premiers fruits de son plan de restructuration.

La compagnie Air France, dirigée depuis novembre par Alexandre de Juniac, ex-directeur de cabinet de Christine Lagarde à Bercy, espère conclure fin juin des négociations avec les syndicats sur de possibles départs volontaires, en plus du gel des salaires et des embauches déjà réalisé.

Plusieurs analystes ont souligné que le succès de ces négociations était crucial pour le redécollage de l'action en Bourse, qui perd encore 10% depuis le début de l'année après avoir chuté de 71% en 2011.

"Ce que nous voyons pour l'instant n'est pas suffisant pour assurer le redressement à long terme de l'activité", note Frank Skodzik, analyste chez Commerzbank. "La clé sera le résultat des négociations avec les syndicats à la fin juin."

La compagnie Air France compte ramener à l'équilibre en 2014 son activité court et moyen-courrier, en perte d'environ 500 millions d'euros en 2011, notamment en généralisant le modèle économique de ses "bases province" de Marseille, Toulouse et Nice, qui consistent à faire tourner davantage équipages et avions.

"La manière dont ils restructurent l'activité paraît cohérente, mais je suis plutôt sceptique quant au fait qu'ils veuillent se confronter frontalement aux compagnies low cost à partir des 'bases province'", a observé Frank Skodzik.

Les analystes s'attendent à ce qu'Air France-KLM réduise en 2012 sa perte nette à 620 millions d'euros (contre 809 millions en 2011), mais creuse sa perte d'exploitation à 587 millions contre 353 millions en 2011, selon le consensus I/B/E/S Thomson Reuters.

avec Elizabeth Pineau, édité par Dominique Rodriguez

par Cyril Altmeyer