C'est mercredi dernier au matin que l'Autorité des marchés financiers nous éclaire sur la récente cession de Pagesa dans Imerys. Suite à une cession d'actions sur le marché en fin d'année 2009 et début 2010, Pargesa a franchi individuellement en baisse le seuil de 1/3 des droits de vote.

Précisions que, malgré cette cession d'actifs, la holding d'Albert Frère détient toujours 56,21% du capital et 69,64% des droits de vote d'Imerys. Contacté par Zonebourse, Pargesa a en effet indiqué que « Ces cessions ne revêtaient aucun caractère stratégique et ne modifiaient pas le large contrôle détenu par Pargesa directement et indirectement sur Imerys. »

La cession n'est pas stratégique, mais elle est pour nous l'occasion de revenir sur une des nombreuses participations du binôme Frère-Desmarais.

Histoire récente d'Imerys
Peu connu du grand public, Imerys est pourtant un groupe industriel ancien. Ses origines remontent à la fin du XIXème siècle. A cette époque, les ancêtres d'Imerys sont des sociétés d'extraction minière et de transformation d'un métal industriel, le nickel.

C'est en 1970 que les choses s'accélèrent : à cette époque, un holding appelé Imétal concentre les différentes branches du groupe. Capitalisant sur son expérience dans les mines et la métallurgie, le nouveau groupe commence à se diversifier en direction des minéraux et des matériaux de construction : briques, tuiles, matériaux réfractaires à la chaleur, ...

En 1982, le financier Albert Frère fonde avec son partenaire canadien Paul Desmarais une société de portefeuille commune : Pargesa, qu'ils contrôlent par l'intermédiaire de leurs holdings personnels, Frère-Bourgeois SA d'un côté, PowerCorporation de l'autre. L'organisation de leur cascade de sociétés étant complexe, retenons seulement que Pargesa détient environ la moitié du capital du Groupe Bruxelles Lambert (GBL), une autre société de portefeuille.

Bref, Pargesa (de droit suisse) et GBL (de droit belge) sont les bras financiers du duo Frère-Desmarais.

Pargesa-Imérys, une relation de long terme
C'est en 1987 que ces deux associés en finance croisent le chemin du groupe français Imétal. Son président d'alors, Bernard de Villeméjane, cherche à clarifier son actionnariat, alors éclaté entre une multitude de groupes industriels, privés et publics, dont les métiers n'ont pas grand chose à voir avec le sien.

Les instances dirigeantes d'Imétal peinaient à définir une stratégie claire. Bernard de Villeméjane pense que le salut de son groupe passe par un actionnaire de référence engagé. C'est dans ce cadre qu'il rencontre les cadres de Pargesa, en 1987.

Séduits par les projets de sa direction et sa faible valorisation, une filiale spécialisée de Pargesa, la société française Parfinance, s'empare de 19% du capital d'Imétal d'avril à juillet 1987. Puis c'est le début d'une hausse graduelle : Parfinance, dont les titres Imétal sont l'actif principal, dépasse le seuil des 50% du capital en avril 1992.

En juin 1998, Parfinance et Imétal fusionnent. En conséquence, GBL se retrouve à la tête du quart du capital d'Imerys. Décidée à ne pas en rester là, la maison-mère de GBL, Pargesa, fait intervenir sa filiale Pargesa Netherlands, qui dès juillet s'empare de 27% d'Imétal.

En somme, après plus de dix ans de présence au capital de l'entreprise, notre duo d'investisseurs s'affirme non seulement comme l'investisseur de référence, mais aussi en tant qu'actionnaire majoritaire. Et MM. Frère et Desmarais ont bien l'intention de modeler Imerys à leur idée.

Le temps des changements
Ce qui ne tarde pas à se concrétiser par un recentrage des activités du groupe. Dès 1999, Imétal lance une OPA à 1,1 milliard d'euros sur le britannique English China Clays (ECC), grand spécialiste des minéraux industriels et du kaolin.

Dans la foulée, le groupe revend des actifs qui ne l'intéressent pas, comme la filiale chimique d'ECC, Calgon, et ceux qui ne l'intéressent plus, comme sa division métallurgique historique Copperweld. Le montant cumulé de ces opérations dépasse le milliard de dollars.

A partir de 2000, Imerys accélère son mouvement d'acquisitions visant à renforcer ses positions de grand nom du secteur. Europe, Turquie, Mexique, Etats-Unis, Amérique latine, Malaisie, Inde, Chine sont autant de marchés sur lesquels Imerys s'implante grâce à des acquisitions.

Ces dernières années, le rachat de quatre sociétés a mobilisé 500 M€ et apporté près de 600 M€ de chiffre d'affaires en plus. De telles opérations lui permettent de compléter son offre et de conforter sa présence en Asie-Pacifique, là où la croissance est la plus dynamique.