* Hamid Karzaï et John Kerry annoncent un accord préliminaire

* Il devra être validé par l'assemblée des chefs tribaux

* L'immunité judiciaire des GIs au coeur des tractations (Avec précisions sur la Loya Jirga §4)

par Lesley Wroughton et Jessica Donati

KABOUL, 13 octobre (Reuters) - Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a conclu avec le président Hamid Karzaï un accord préliminaire sur un pacte de sécurité bilatéral qui attend désormais le feu vert des dirigeants tribaux afghans.

Cet accord, annoncé samedi soir par les deux hommes après deux jours de discussions à Kaboul, assurerait la présence d'un contingent américain en Afghanistan après 2014.

Il satisfait l'une des principales exigences de Washington en maintenant les militaires américains en Afghanistan sous la responsabilité légale des Etats-Unis, ce qui leur garantirait l'immunité vis-à-vis de la loi afghane.

Ce sera désormais à la Loya Jirga, l'assemblée des anciens et des chefs tribaux qui peut compter jusqu'à un millier de participants, de valider ou non ce pacte bilatéral. La Loya Jirga devrait se rassembler dans le mois à venir, a précisé Hamid Karzaï.

Les Etats-Unis souhaitent qu'un accord, qui doit déterminer les effectifs du contingent américain appelé à rester sur place après 2014, soit conclu avant le 31 octobre. Pour le président afghan, en revanche, rien n'empêche d'attendre l'issue de l'élection présidentielle d'avril prochain.

Faute d'accord bilatéral sur la sécurité (BSA), Washington menace de choisir l'"option zéro", c'est-à-dire rapatrier l'intégralité de son corps expéditionnaire à la fin de l'année prochaine.

Un haut responsable de l'administration américaine a indiqué que les deux parties étaient tombées d'accord sur la formulation d'un accord couvrant la question de l'immunité et que ce dernier pouvait être "présenté à la Loya Jirga pour qu'elle l'examine".

"Il faut souligner que si la question de la juridiction ne peut être résolue, il ne pourra malheureusement pas y avoir de pacte de sécurité", a prévenu John Kerry lors d'une conférence de presse. "Nos forces, où qu'elles soient, opèrent selon les mêmes normes. Nous ne traitons pas l'Afghanistan à part."

Hamid Karzaï a renvoyé de son côté à la décision de la Loya Jirga. "La question de la juridiction dépasse l'autorité du gouvernement afghan et ce n'est que le peuple afghan qui décidera via deux mécanismes", a-t-il dit en référence à l'assemblée tribale et au parlement.

KARZAÏ CRITIQUE LE RAPT D'UN CHEF TALIBAN

Hamid Karzaï a ajouté que les principales divergences sur la question de la souveraineté afghane avaient été aplanies, notamment à propos des opérations antiterroristes que les Américains souhaitent toujours mener à leur guise sur le sol afghan, et que le président afghan condamne de longue date.

Les autorités afghanes préfèreraient les effectuer elles-mêmes sur la base d'informations fournies par Washington.

Hamid Karzaï a déclaré que l'enlèvement récent en territoire afghan par les Etats-Unis d'un haut responsable opérationnel des taliban pakistanais, Latif Mehsud, était le genre d'action que Kaboul souhaitait éviter.

"C'est une question que nous avons sérieusement soulevée avec les Etats-Unis ces derniers jours, comme nous l'avons fait lors de toutes les précédentes opérations du même genre qui ignorent la loi afghane", a dit le chef de l'Etat.

"Notre discussion a donc porté en particulier aujourd'hui sur la manière de garantir, grâce à l'accord bilatéral, que de telles violations ne se répéteront pas."

John Kerry a toutefois évacué la polémique, parlant d'un malentendu. "Nous avons suivi les procédures normales (...). Nous avons fait ce que nous sommes supposés faire", a-t-il dit.

Au département d'Etat, on relève que John Kerry n'avait pas l'ambition de boucler les discussions sur un pacte de sécurité bilatéral lors de cette visite à Kaboul mais que Washington souhaitait accélérer les négociations, redoutant que la campagne en vue de la présidentielle d'avril 2014 ne freine la conclusion d'un accord.

L'échec il y a deux ans de discussions similaires avec l'Irak, dû en partie au refus de Bagdad d'accorder une immunité judiciaire aux GIs, a entraîné le retrait de toutes les troupes américaines. (Jean-Stéphane Brosse pour le service français)