par Anjuli Davies

LONDRES, 25 février (Reuters) - Vingt ans après avoir provoqué la faillite de Barings, la plus ancienne banque d'investissement britannique, l'ex-"trader voyou" Nick Leeson estime que le secteur financier a tiré peu de leçons des erreurs passées.

En 1995, ce Britannique alors en poste à Singapour a fait perdre 1,4 milliard de dollars à Barings sur les marchés dérivés, ce qui l'a conduit en prison et a signé l'arrêt de la mort de son employeur.

Aujourd'hui, il estime que la "culture" bancaire à l'origine de sa faute n'a pas changé et ne changera pas tant que la peur de la sanction ne l'emportera pas.

"La culture, dans la banque, est vraiment mauvaise", a-t-il déclaré dans un entretien à Reuters mercredi. "Il faut une culture forte qui décourage les malversations. Les gens n'ont pas peur de ce qui va leur arriver."

Plusieurs affaires comparables à celle de Nick Leeson ont fait beaucoup de bruit ces dernières années, des pertes causées à la Société générale par Jérôme Kerviel à celles imputées par UBS à son trader Kweku Adoboli. Et le secteur a déboursé quelque 166 milliards de dollars d'amendes dans une série de scandales incluant des manipulations de taux d'intérêt et de devises.

"Il est évident que tout ce qui a été fait jusqu'à présent ne fonctionne pas", a dit Nick Leeson.

"C'est très bien de faire de Nick Leeson ou de Kweku Adoboli des boucs émissaires, mais les amendes ne fonctionnent pas. Les dirigeants doivent être tenus responsables de la culture au sein des institutions concernées."

"LA CULTURE COMMENCE AU SOMMET"

La dernière affaire en date à secouer le secteur est celle de HSBC, le groupe accusé d'avoir aidé des milliers de ses clients à pratiquer l'évasion fiscale à grande échelle.

"Qu'il s'agisse de HSBC, d'UBS ou de la Société générale, les gens ne se soucient pas de leur degré de responsabilité", a dit Nick Leeson.

"Pourtant, la culture influence les comportements et la culture commence au sommet. Donc si un message très fort est envoyé depuis le sommet de HSBC pour dire : 'nous ne pardonnons pas l'évasion fiscale', il se propagera."

Pour Nick Leeson, il est également nécessaire de disposer de régulateurs capables de maîtriser des instruments financiers souvent complexes, voire ésotériques, pour prévenir des comportements à risque.

"Chaque fois qu'il y a un nouveau scandale, il est dû à une structure trop faible, un contrôle trop faible, des gens trop faibles. Si les gens sont meilleurs, on sera mis en difficulté. Moi, personne ne m'a mis en difficulté", a-t-il expliqué.

Après avoir passé trois ans et demi en prison à Singapour, survécu à un cancer et écrit un livre adapté au cinéma, Nick Leeson vit aujourd'hui à Galway, en Irlande. Il tire la majeure partie de ses revenus d'interventions en public, sur la gestion du risque ou sur son expérience personnelle.

Même s'il est très peu probable qu'il travaille à nouveau dans une institution financière, il n'est pas pour autant totalement négatif sur le secteur.

"Si mes enfants voulaient travailler dans la finance, je les y aiderais. C'est un endroit fantastique pour travailler. J'ai adoré cette expérience: tout change tous les jours et on est constamment en situation de défi." (Marc Angrand pour le service français, édité par Véronique Tison)

Valeurs citées dans l'article : HSBC Holdings plc, SOCIETE GENERALE, UBS AG, UBS Group AG