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par Austin Ekeinde et Chijioke Ohuocha

PORT HARCOURT/LAGOS, Nigeria, 11 janvier (Reuters) - Le principal syndicat du secteur pétrolier nigérian a appelé mercredi ses adhérents à se tenir prêts à suspendre la production de brut dans le cadre des manifestations contre la suppression des subventions sur l'essence.

Le Nigeria, important fournisseur pour l'Europe et les Etats-Unis, exporte plus de deux millions de barils de pétrole par jour.

"Comme le gouvernement fédéral a décidé d'ignorer nos demandes, nous appelons le personnel de toutes les plates-formes à être en alerte et à se tenir prêt à un arrêt total de la production", dit le syndicat Pengassan dans un communiqué.

Malgré la grève, les exportations de pétrole ne sont pour l'instant pas affectées. Le brut nigérian est en effet en majeure partie extrait en mer, ce qui nécessite un nombre plus réduit d'ouvriers.

Selon les autorités pétrolières du pays, un arrêt complet de la production de brut est peu probable, le processus étant automatisé et certains salariés n'étant pas syndiqués.

Mais une baisse de la production pourrait accentuer la pression sur le gouvernement du président Goodluck Jonathan qui tire de ses exportations pétrolières 95% des revenus des échanges commerciaux et la majorité de ses revenus nationaux.

GREVE GENERALE

Le gouvernement a annoncé le 1er janvier la suppression immédiate des subventions sur les importations de carburant, entraînant un doublement du prix de l'essence à 150 naira le litre environ (73 centimes d'euro).

La décision a déclenché de grandes manifestations dans tout le pays, dont les habitants dénoncent la suppression de la principale aide sociale dont ils bénéficiaient.

Les syndicats ont appelé à maintenir la grève sine die, jusqu'au rétablissement des subventions supprimées mais le gouvernement a d'ores et déjà prévenu qu'il retiendrait les journées de salaire des fonctionnaires grévistes.

Lors d'un rassemblement à Lagos, la capitale commerciale du pays, des manifestants ont scandé des slogans exhortant le gouvernement à poursuivre les responsables corrompus.

Un manifestant a été tué par la police lorsque les forces de l'ordre ont ouvert le feu sur un groupe d'émeutiers, a constaté un journaliste de Reuters.

Les manifestations se sont dans l'ensemble déroulées dans le calme mais plusieurs confrontations ont éclaté avec la police à Lagos et Kano (nord), la deuxième ville du pays, où des morts ont été signalés. Des manifestants ont également défilé dans les rues de la capitale, Abuja, et des milliers d'autres à Kano.

Les banques, les restaurants et les commerces sont restés fermés dans le cadre de la grève, un mouvement qui devrait fragiliser l'économie du pays dont la majorité des habitants vivent avec moins de deux dollars par jour.

De nombreux passagers se sont retrouvés bloqués dans les aéroports en raison de la grève du personnel aérien.

"Le président Jonathan doit se réveiller pour regarder la réalité, les Nigerians se sont exprimés dans tout le pays contre la hausse du prix du carburant et il ferait bien de les écouter", indiquent les syndicats dans un communiqué.

Le gouvernement estime que la levée de cette mesure lui permettra d'économiser 1.000 milliards de naira (4,8 milliards d'euros). Mais peu de Nigérians ont profité des fonds publics, et la promesse de redistribuer les économies tirées de la levée des subventions a été accueillie avec scepticisme.

Les revenus pétroliers du Nigeria atteignent 200 millions de dollars par jour, mais les infrastructures du pays sont délabrées et le niveau de vie reste bas en raison de la corruption. (Gregory Schwartz et Guy Kerivel pour le service français, édité par Gilles Trequesser)