LE CAIRE, 31 mars (Reuters) - Bassem Youssef, célèbre humoriste et imitateur égyptien, a été interrogé dimanche par un procureur sous l'accusation d'insultes au président Mohamed Morsi et à l'islam.

Dans son émission télévisée diffusée chaque vendredi à une heure de grande écoute par une chaîne privée, Bassam Youssef fait rire les Egyptiens en imitant les hommes politiques, y compris le chef de l'Etat, qui est issu des Frères musulmans.

Le procureur général Talaat Ibrahim a ordonné samedi l'arrestation de Bassem Youssef, qui s'est présenté de lui-même au bureau du procureur afin d'éviter une interpellation.

Après l'interrogatoire, il a été remis en liberté en échange du versement d'une caution de 15.000 livres (1.720 euros), a indiqué un responsable du bureau du procureur.

L'humoriste était arrivé coiffé d'un gigantesque chapeau, version grande taille de celui offert au président Morsi lorsqu'il reçut un diplôme d'honneur au début du mois au Pakistan.

Bassem Youssef a déja porté ce couvre-chef lors de son émission, dans l'un des nombreux gags qu'il consacre au chef de l'Etat.

L'an dernier, il a tourné en dérision la propension de Mohamed Morsi à utiliser fréquemment le mot "amour" en chantant une chanson d'amour à l'adresse d'un oreiller rouge sur lequel était imprimée une photo du président.

DIGNE DES "RÉGIMES FASCISTES"

La convocation de l'humoriste a été vivement critiquée par l'opposition et les organisations de défense des droits de l'homme qui y voient un nouvel exemple de la volonté du gouvernement islamiste de restreindre la liberté d'expression.

"Il s'agit d'une nouvelle escalade dans une tentative visant à réduire l'espace d'expression critique", a déclaré la directrice pour l'Egypte de Human Rights Watch, Heba Morayef.

Pour Mohamed ElBaradeï, figure de proue de l'opposition, ce genre de procédé relève de "régimes fascistes". "C'est dans la droite ligne des mesures répugnantes et ratées visant à briser la révolution", a-t-il ajouté.

La convocation de Bassem Youssef survient après les mandats d'arrêt lancés par le procureur général contre cinq activistes de premier plan accusés d'incitation à la violence contre les Frères musulmans.

Plusieurs personnalités des médias accusées d'insultes au président ont également subi des interrogatoires.

La justice égyptienne a ordonné mercredi en appel la réintégration à son poste du procureur général limogé en novembre par le président Morsi.

Le chef de l'Etat s'était attiré les foudres de l'opposition en remplaçant le procureur général déjà en place sous l'ère Moubarak, Abdel Maguid Mahmoud, par Talaat Ibrahim. Mahmoud avait fait appel de cette révocation.

Talaat Ibrahim a fait savoir samedi qu'il contestait la décision des juges et allait lui aussi faire appel. (Tom Perry, Pascal Liétout pour le service français)