Attaqués pour propos diffamatoires envers Quick suite à notre article, nous avons gagné le procès en première instance grâce, notamment, au fait qu’à aucun moment il n’est affirmé ni même sous entendu dans l’article que la SAS Financière Quick et la SA Quick Restaurants sont personnellement et directement inquiétées. Il n’est dit nulle part que les deux parties civiles ou leurs dirigeants ont participé à une quelconque manipulation. Par le jugement du 17 février 2011, le tribunal reconnaît qu’« Aucune des deux sociétés parties civiles n’étaient atteintes ou visées par l’imputation d’un fait diffamatoire ». Le fait même que Quick fasse appel nous semble donc incohérent. Dans la mesure où il a été établit que Quick n’était pas concerné, au nom de quoi cette société fait-elle appel ?

En effet, la chaîne de restaurants est seulement le moyen, l’instrument de la transaction entre la CDC Capital Investissement et le groupe d’Albert Frère. Il n’existe pas de préjudice direct. Le schéma ci-dessous résumant l’opération de cession le démontre parfaitement : la chaîne Quick appartient depuis octobre 2006 à L’Etat français dans la mesure où Qualium investissement (ancienne CDC Capital Investissement), la filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations, bras financier de l’Etat, détient 99,63% du capital de Quick. L’enchevêtrement des holdings prouve que la société Quick Restaurant n’est pas l’entité décisionnaire au contraire de la CDCCI ou de GIB, la filiale d’Albert Frère.


Mais notre défense ne se limite pas à cette incohérence. Cette affaire déclarée d’«intérêt général » par le tribunal méritait d’être relayée. Pas une seule fois, nous ne nous sommes permis de considérer les accusations de Jean-Marie Kuhn comme fondées. Nous nous sommes simplement intéressés à un dossier qui touchait en tout point à notre champ d’action et qui cadrait parfaitement aux sujets traités via notre rubrique « Les Barons de la Bourse ».

S’il y a un financier qui mérite sa place dans la rubrique « Les Barons de la Bourse », c’est bien le milliardaire belge Albert Frère. Sa société d’investissement Groupe Bruxelles Lambert (GBL) détient 56,3% du capital d’Imerys, 21,1% de celui de Lafarge, 9,9% de Pernod Ricard, 7,1% de Suez Environnement, 5,2% de GDF SUEZ et 4% de Total. Au vu de la composition de son portefeuille, vous saisissez aisément l’attention que Zonebourse accorde aux activités de cet homme d’affaires !

Notons que le 3 mars 2011, la société ERBE, détenue conjointement par Albert Frère et par BNP Paribas, a fait une offre de rachat des titres de la holding belge CNP. Cette offre d’acquisition d’Albert Frère sur la Compagnie Nationale à Portefeuille (CNP) témoigne de la volonté d’Albert Frère de privatiser la CNP, cotée en Belgique, c’est-à-dire de la sortir de la Bourse. Cette opération financière libère la CNP des contrôles des autorités boursières. Albert Frère n’est plus contraint à aucune obligation de transparence et de publication des résultats. Devons-nous y voir le souhait d’Albert Frère d’instaurer plus d’opacité dans la gestion de ses affaires ?

Quoi qu’il en soit, en tant que vecteur d’information, il nous semblait pertinent de relayer cette affaire, avec toute la distance et l’objectivité nécessaires, clés de notre bonne foi. De nombreux éléments convergents ont en effet donné du crédit aux propos de Jean-Marie Kuhn :

Tout d’abord, en décembre 2009, le procureur de Charleroi, Christian De Valkeneer, a donné suite à la plainte déposée par Jean-Marie Kuhn en juillet 2009 en demandant à la juge d’instruction, France Baeckeland, d’instruire sur les chefs de faux et usage de faux, faux bilans et infractions au code des sociétés. L’article rend donc simplement compte d’une actualité judiciaire qui n’est pas factuellement contestée. Et si pour l’avocat de Quick, maître Dartevelle, l’ouverture d’une information judiciaire à la suite d’une plainte avec constitution de partie civile n’est pas significative, pour nous elle a contribué à susciter notre intérêt.

Et cet intérêt n’a fait que croître. Très vite, nous nous rendons compte que d’autres sites font écho de l’affaire, à leurs dépens parfois. Ainsi, le quotidien Libération est condamné le 13 janvier 2009 pour diffamation suite à son article « Dans le sillage des troublantes amitiés patronales de Sarkozy » publié le 14 mars 2008. L’article "Un procureur belge s’intéresse à Frère, l’ami de Sarkozy" publié en décembre 2009 par Eco89 (le site économique de Rue89) est également attaqué pour diffamation. S’en suivent une pléiade d’articles publiés sur des sites tels France Info, Figaro, ou Challenge. Cette transaction intéresse d’autres acteurs de référence et apparaît bel et bien être un sujet d’actualité.

En plus du procureur et des médias, des hommes politiques se sont impliqués. Le député socialiste du Doubs, Martial Bourquin s’est notamment exprimé : « Le gouvernement ne peut plus se taire. Ca ne peut pas durer. On est dans le clair-obscur le plus total » (cité par France Info). Sur le site du Sénat Jean-Luc Mélenchon, «  s'étonne que la Caisse des dépôts, par l'intermédiaire de sa filiale CDC Capital investissement, ait choisi d'investir une somme aussi considérable (plus de 450 millions d'euros) pour acquérir la majorité d'un groupe privé dont les activités (fabrication et vente de hamburgers) n'ont aucun rapport avec les missions d'intérêt général confiées à la Caisse des dépôts. Il s'étonne du prix particulièrement élevé payé pour l'achat de ces actifs et aimerait connaître l'utilité sociale et économique de tels investissements. »

 Quand bien même, « tout cela, [serait] des kuhnneries » comme le considère le siège de la CNP (Trends-Tendances du 12 août 2010, page 15), nous pensons, de notre coté, être dans notre droit lorsque nous nous intéressons aux conditions d’acquisition de nos actions Quick.

Maintenant que nous vous avons précisé le contexte, nous vous expliquerons, la semaine prochaine, pourquoi cet investissement étatique nous semble atypique. Y avait-il un intérêt pour la Nation de racheter Quick ? Et à quel prix ?

Pauline Raud & Franck Morel