La chaîne de magasins discount Target a rejoint cette année le mouvement initié l'an dernier par Wal-Mart et Gap en rompant le sacro-saint congé de Thanksgiving.

Les magasins américains avaient pour habitude de lancer de grandes offres promotionnelles le vendredi matin, mais certains ont d'abord eu l'idée d'ouvrir dès le jeudi soir à minuit, sans laisser à leurs clients le temps de digérer leur dinde.

Désormais, Wal-Mart propose à ses clients ses bonnes affaires du "Vendredi Noir" ("Black Friday") dès 20h le jeudi, et certains de ses magasins de discount sont même ouverts toute la journée.

Pour ne pas être les dindons de la farce, Target ou Toys R Us ont eux aussi avancé leur heure d'ouverture cette année. D'autres, comme J.C. Penney, résistent encore jusqu'au vendredi matin à l'appétit des consommateurs.

"Les distributeurs ont transformé un sprint de quatre ou cinq heures où tout pouvait arriver en une sorte de marathon", note Patty Edwards, chef investissements chez Trutina Financial, qui compare ce shopping prolongé à "un sport auquel on enlève un peu de saveur".

Mais pour les grands magasins, seule la victoire est belle. D'autant que l'enjeu est de taille, puisqu'ils peuvent réaliser plus du tiers de leurs ventes annuelles pendant les vacances de fin d'année.

Autant dire que les distributeurs comptent sur cette saison de shopping pour terminer par un beau paquet cadeau une année qui a vu leur indice sectoriel du Standard & Poor's gagner près de 27% à Wall Street, contre seulement 10,6% pour l'indice général S&P.

CALENDRIER ET CLIMAT FAVORABLES

L'Association nationale de la distribution table sur une hausse de 4,1% des ventes pendant la période des vacances de novembre-décembre, contre 5,6% en 2011 - la peur du chômage et d'éventuelles hausses d'impôts dues au "mur budgétaire" étant susceptibles de brider les acheteurs.

Les consommateurs semblent un peu plus velléitaires: selon une enquête Thomson Reuters I/B/E/S, deux-tiers d'entre eux pensent acheter autant que l'an dernier ou disent ne pas savoir combien ils vont dépenser. Ils sont 21% à prévoir de se serrer la ceinture, et 11% à envisager au contraire de desserrer les cordons de la bourse.

Le calendrier pourrait aussi jouer en faveur des magasins, puisqu'il y a cette année deux jours de plus que l'an dernier entre Thanksgiving et Noël, et surtout un week-end entier, la Nativité tombant cette fois un mardi au lieu d'un dimanche.

Ces deux journées de shopping supplémentaires ne sont pas anodines: selon Jennifer Davis, analyste chez Lazard Capital, elles pourraient générer une augmentation de 3 à 4% des ventes à périmètre comparable en décembre.

Autre facteur à prendre compte: le climat. L'hiver dernier, particulièrement doux, avait pénalisé les ventes de vêtements chauds et contraint les magasins à brader les prix. Cela ne devrait pas être le cas cette année, les températures étant déjà beaucoup plus fraîches.

Mais la météo n'a pas apporté que des bonnes nouvelles pour les commerçants. Les économistes s'attendent en effet à ce que le passage dévastateur de l'ouragan Sandy sur la côte Est fin octobre limite la somme que les populations concernées pourront consacrer aux loisirs en cette fin d'année. Réponse à la fin du marathon.

Avec Nivedita Bhattacharjee à Chicago et Phil Wahba à New York, Tangi Salaün pour le service français, édité par Benoît Van Overstraeten

par Brad Dorfman