Passer des bonnes intentions aux actes est toujours un exercice délicat ! Le débat actuel sur la mise en place d'une taxe carbone en est un exemple frappant. Il concentre l'attention alors qu'un consensus large semble se dessiner pour faire émerger lentement une société industrielle décarbonée plus soucieuse de préserver les espaces naturels et les ressources naturelles pour les générations futures. Loin du débat politique, il semble utile de tenter une convergence socio-économique entre ce consensus environnemental ambiant et la nécessité d'une taxe. Et l'analyse économique offre quelques précieux outils pour étayer une réflexion :

D'abord la justification théorique de l'impôt est indéniable : le principe pollueur-payeur s'applique pour les carburants fossiles et énergies émettrices de CO², un facteur important du réchauffement climatique : il renvoie à cette fonction correctrice d'externalités négatives liée à la fiscalité, à côté des fonctions d'impôts-échanges de services et impôts-solidarité liée à la redistribution.

Ensuite les recommandations de la « doctrine » sont claires, côté efficacité de la taxation : faible taux, large assiette, non affectation des recettes pour laisser à l'Etat le choix de son action avec le produit de la taxe, faible coût de gestion et acceptabilité sociale, qui semble acquise sur le principe.

Le problème central concerne l'équité dans une période économique difficile : cet impôt toucherait d'abord les ménages modestes en milieu rural se chauffant au fuel par exemple ou les habitants en périphérie des villes obligés de pendre leur voiture pour venir travailler en ville. Une piste de réponse serait un moratoire sur l'application de cette taxe en la repoussant de quelques mois : car le recul de la croissance actuelle agit directement sur les émissions de CO² qui sont réduites par rapport à une croissance à 2 ou 3 %. Un signal vert d'activation de la taxe pourrait aussi être directement lié à la baisse du chômage et inversement lorsque la conjoncture se retourne... report de la taxe si le taux de chômage augmente !

Autre écueil : l'effet « Ricardo-Barro » ou équivalence ricardienne, les ménages anticipant le paiement de la taxe, même si celle-ci est réduite : ils épargnent le montant de la taxe par précaution... Il en découle un ralentissement quasi automatique de la consommation... qui pose problème aujourd'hui.

Enfin le signal : cette taxe est-elle compatible avec un redéploiement industriel vers une économie verte ? Oui, et là est le signal pour les investisseurs : elle existe aux Pays-Bas, champion de la fiscalité environnementale (11 % des prélèvements obligatoires). Ce pays est aussi un pays leader européen pour le transport routier de marchandises, fort émetteur de CO². Taxe carbone et dynamisme industriel et commercial semblent compatibles, poussant à une sortie par le haut et à une nouvelle spécialisation pour les entreprises !



Laurent Guihéry, Université Lumière Lyon 2