(actualisé avec précision sur l'afflux de réfugiés, détails)

par Alexandra Hudson

GUVECCI, Turquie, 11 juin (Reuters) - L'exode vers la Turquie voisine de Syriens fuyant la répression des manifestations en faveur de la démocratie dans leur pays s'est accéléré pour atteindre le nombre de 4.000.

Responsables syriens et défenseurs des droits de l'homme ont ajouté samedi que plus de 10.000 personnes tentent de trouver des abris à proximité de la frontière.

Les déplacés, craignant des représailles de la part des forces de sécurité pour les affrontements dans lesquels 120 soldats ont trouvé la mort cette semaine, ont quitté la ville de Djisr al Choughour, dans le Nord, avant un raid de l'armée lancé vendredi.

"Quand les massacres ont commencé à Djisr al Choughour, l'armée s'est divisée et ils ont commencé à se battre entre eux ou à nous accuser d'être responsables", a raconté une femme interrogée par la télévision turque.

"Les chars se trouvent maintenant à un kilomètre de Djisr al Choughour, près d'une usine de sucre et ils bombardent la ville. Il ne reste plus que quelques personnes là-bas", a expliqué un homme.

Il a ajouté que les soldats ont brûlé les récoltes de blé de trois villages voisins tandis que d'autre réfugiés parlent de massacres du bétail, vaches et moutons, autour du village de Sarmanïa.

D'après un diplomate turc de haut rang, 4.300 Syriens ont déjà franchi la frontière et son pays s'attend de nouvelles arrivées, sans pouvoir donner de chiffres prévisibles.

"La Turquie a, par le passé, accueilli un grand nombre d'étrangers en grande difficulté et nous pouvons le refaire", a déclaré à l'agence de presse Anatolie un haut responsable du ministère des Affaires étrangères, Halit Cevik. Dans la province frontalière d'Hatay, des témoins ont rapporté qu'un hôpital de campagne était en cours d'installation dans un des camps de réfugiés.

Le quotidien Radikal annonce pour sa part que les autorités turques installeront une zone tampon lorsque le flot de réfugiés dépassera les 10.000.

ZONE TAMPON

De l'autre côte de la frontière, en territoire syrien, des milliers d'autres déplacés sont massés, selon le témoignage d'un militant des droits de l'homme qui participe à la coordination des mouvements de population.

"La zone frontalière est pratiquement devenue une zone tampon", affirme cet homme, qui se présente sous le nom d'Abou Fadi. "Les familles s'abritent sous les arbres et on compte aujourd'hui entre 7.000 et 10.000 personnes".

Jeudi, le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a réaffirmé que son pays garderait ses portes ouvertes aux Syriens, accusé le régime de Bachar al Assad de prendre "trop à la légère" ce problèmes de réfugiés et critiqué sa riposte "inhumaine" à la révolte populaire.

Les défenseurs des droits de l'homme ont chiffré à 36 le nombre de manifestants abattus vendredi par les forces de l'ordre dans tout le pays.

Ils affirment que les autorités ont, pour la première fois, fait intervenir des hélicoptères de combat contre la foule à Maarat al Noumaan, dans le centre du pays, pour tirer sur les manifestants. Le soulèvement en faveur de la démocratie politique en Syrie a fait plus de 1.100 victimes depuis la mi-mars. Le gouvernement du président Bachar al Assad, au pouvoir depuis 2000, rejette la responsabilité des troubles actuels sur des "terroristes".

Les représentants permanents auprès du Conseil de sécurité se sont réunis à nouveau vendredi au siège de l'organisation mondiale à New York pour tenter de trouver un compromis sur un texte à adopter au sujet de la Syrie.

Un projet de résolution proposé par la France, le Portugal, la Grande-Bretagne et l'Allemagne condamne le régime de Damas et n'exclut pas que les forces de sécurité syriennes se soient rendues coupables de crimes contre l'humanité, mais la Russie a laissé entendre qu'elle était prête à y opposer son veto.

(Jean-Loup Fiévet pour le service français)