Tokyo (awp/afp) - La Banque du Japon (BoJ) a reconduit mardi sa politique monétaire interventionniste afin de soutenir une troisième économie mondiale encore peu dynamique, malgré une légère embellie, et désormais soumise à "l'incertitude Trump".

Il y a peu, la Banque centrale européenne (BCE) avait jugé prématuré de réduire la voilure. La BoJ, qui rendait sa décision après une réunion de deux jours, est sur la même ligne.

Le ton est dans l'ensemble plutôt optimiste: l'institution tokyoïte salue "une amélioration de la conjoncture extérieure et la dépréciation du yen" favorable aux entreprises exportatrices nippones.

Concrètement, cela s'est traduit par "un redressement des exportations et un meilleur moral des patrons", qui semblent moins réticents à investir. Un peu plus tôt, le gouvernement avait fait état d'une légère hausse de la production industrielle en décembre.

La banque centrale espère aussi un effet positif sur la demande des jeux Olympiques de Tokyo prévus en 2020.

Ses prévisions de croissance, revues chaque trimestre, ont été relevées en conséquence: le Produit intérieur brut (PIB) est à présent attendu en hausse de 1,5% sur l'exercice d'avril 2017 à mars 2018 (au lieu de +1,3%), puis de 1,1% l'année suivante (au lieu de +0,9%).

Mais l'inflation, principale jauge des banques centrales, demeure faible. Les prix devraient se replier de 0,2% cette année budgétaire, selon les nouvelles projections, avant de se redresser pour atteindre péniblement 1,5% en 2017-18, soutenus par deux éléments: la remontée des cours du pétrole et l'affaiblissement du yen, de nature à renchérir le coût des marchandises importées.

- 'Un facteur majeur d'incertitudes' -

En novembre, pour la énième fois, la BoJ avait repoussé l'échéance pour atteindre son objectif de 2%, à mars 2019, soit quatre ans de retard sur le calendrier initial.

La faute à une consommation des ménages qui s'entête à ne pas décoller (10e baisse d'affilée en décembre). "Si les entreprises retrouvent de la vigueur, les foyers japonais en revanche n'ont guère le moral du fait d'inquiétudes sur l'avenir", a commenté pour l'AFP Yusuke Shimoda, économiste au Japan Research Institute de Tokyo.

Plus de quatre ans après le lancement de la stratégie "abenomics", le gouvernement de Shinzo Abe et la BoJ n'ont pas su pleinement redonner confiance à un pays rongé par la déflation, un mal pernicieux qui décourage achats et investissements dans l'espoir de prix toujours plus bas.

Ils doivent aujourd'hui composer en outre avec "l'incertitude Trump", selon les termes du ministre des Finances Taro Aso. "C'est clairement un facteur majeur d'incertitudes", a-t-il déclaré mardi au Parlement.

Jusqu'ici les promesses économiques du milliardaire ont largement profité au Japon en dopant le dollar face au yen. Mais depuis son investiture, le nouveau président américain fait assaut de déclarations protectionnistes, ciblant nommément l'archipel pour ses prétendues pratiques déloyales.

Dans son rapport trimestriel, la BoJ se contente de citer parmi les risques "les développements de l'économie américaine", au côté du Brexit. Mais son gouverneur, Haruhiko Kuroda, a été pressé de questions en conférence de presse et a dit "surveiller de près" la politique de la nouvelle administration.

"D'aucuns s'inquiètent que le protectionnisme ne réduise le commerce et ralentisse la croissance mondiale. Cependant, l'importance du libre-échange est reconnue internationalement via le G7, le G20, l'OMC et le FMI, donc je ne pense pas que le protectionnisme se répandra vigoureusement et largement dans le monde", a-t-il estimé.

Dans l'attente d'y voir plus clair, la banque centrale japonaise a choisi de temporiser en maintenant intacte son offensive monétaire destinée à stimuler le crédit, et donc l'activité, conformément aux pronostics. "Il est trop tôt pour discuter" d'une stratégie de sortie, a insisté le gouverneur, rassurant les marchés.

Les membres du comité de politique monétaire ont reconduit d'une part les taux négatifs à -0,1%, une pénalité imposée aux banques qui déposent de l'argent dans les coffres de la BoJ. De l'autre, ils ont décidé de poursuivre le massif programme de rachats d'actifs - d'environ 80.000 milliards de yens par an (655 milliards d'euros) - pour que le taux des obligations d'Etat à 10 ans se situe autour de zéro.

Mercredi, la Réserve fédérale américaine (Fed) devrait elle aussi faire profil bas et laisser les taux d'intérêt inchangés, de l'avis des économistes.

afp/rp